⊰ printemps 2023

CW : cruauté

Cela faisait une dizaine de jours depuis que l'Auror en charge de surveiller son clan avait décidé de faire sa crise d'adolescence. Qu'était-ce sinon une crise d'adolescence ? Un grand adulte qui remettait en cause sa toute puissante autorité sur ses terres-mêmes, qui pensait pouvoir lui donner un ordre, lui demander quelque chose... Elle n'en revenait toujours pas d'une telle audace, d'un tel manque d'éducation, de tenue, d'étiquette, seulement d'esprit de préservation. Elle aurait pu lui faire du mal, bien plus qu'il n'y songeait... Mais elle s'était contenté de l'humilier, et de partir à la recherche d'un autre laquais pour lui rendre service à écarter ses concurrents à la moindre infraction dangereuse repérée dans leurs affaires. Il s'était crû indispensable, et voilà qu'une dizaine de jours après elle repensait à cet impertinent [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] alors qu'elle avait trouvé un agent de la brigade de police magique pour être son nouveau pion. Probablement moins efficace, moins malin, mais plus facile à manipuler qu'un agent d'élite condamné à rester dans son bureau suite à une mission ayant mal tournée. Il y avait bien une raison pour laquelle ce pauvre garçon était enfermé à plein temps et ne recevait que des tâches ridicules, avait elle appris en cherchant un peu... Traumatisé par la mort subite de sa partenaire de mission, quelle fragile petite chose... Elle détestait les sentimentaux. Pourquoi être si affligé par quelque chose de si trivial ? Ah... Tout le monde mourrait bien un jour, il fallait s'y faire... A la place du chef des Aurors, elle se serait déjà débarrassée d'un tel élément. A quoi bon le garder ? Quoi en faire ? Elle n'aurait jamais gardé un employé qui ne pouvait plus aller à certaines missions et passait ainsi le plus clair de son temps comme secrétaire.
N'était elle pas cruel d'ainsi encore maudire ce pauvre homme après plusieurs jours ? Il était qu'elle n'en avait surtout pas grand chose à faire. Il l'avait offensée, et elle le jugerait ainsi comme bon lui semblait. N'importe qui mettant un pied sur son domaine, dans son château, et étant reçu par la maîtresse des lieux en personne avait habituellement à cœur qu'il fallait faire profil bas, garder un certain vocabulaire, et se souvenir de sa place... Comment cet Auror avait il pu..? Lui demander d'aller chercher un livre pour enfant à une bibliothèque... Lui demander à elle... Quelle mouche piquait donc les jeunes de cette époque ?! Peut-être était-ce un problème sociétal plus profond, puisqu'après tout, elle ne cessait de désespérer en voyant les dernières générations, et ce que certains et certaines entreprenaient dans l'espoir de changer la société dans n'importe quel sens. On mettait un gamin chef des Aurors, il y avait des né-moldus au Ministère, des sang-mêlés aux côtés des grandes familles dans des sphères qui pourtant ne devraient que leur appartenir, et même les enfants au sang pur se prenaient pour des révolutionnaires en carton ! Même les précieuses jeunes femmes Moon semblaient parfois se croire pousser des ailes à suivre des bêtises vendues par des personnes qui devant elles devraient surtout baisser la tête.
Après une longue journée de travail et avoir ressassé l'audace et l'outrecuidance qu'avait eu Sohil Pasharati en lui demandant de lui rendre service, elle s'était arrêtée prendre un thé chez Anésidora, sa Bêta, dans le but d'enchaîner encore une fois sur un sujet fâcheux. Il fallait s'y résoudre : aucune de ses filles ne pourrait prétendre à lui succéder. Avalon était une incapable, Zénobia vivante, jamais elle ne laisserait cette incompétente ayant fini en prison  à cause de son manque de prudence remplacer Anésidora... Et la seconde fille, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]... Oh, cette vermine, cette petite sotte, cette impudente... Une rebelle avec un manque de force et de charisme conséquent qui causait déjà des ennuis. Elle la laissait courir pour l'instant, mais quelques chose lui disait que la goutte de trop approchait, et que cette insolente gamine finirait séquestrée sur le domaine pour le restant de ses jours tôt ou tard. Enfermée dans une cave, elle causerait moins de soucies au clan à et à sa pauvre mère... A cause de ça, l'identité de la future Bêta était plus floue que jamais, et l'Alpha peinait à faire entendre raison à Anésidora, qui, bien que semblant la suivre sur Faye, pensait encore qu'une fois Avalon revenue, il serait possible de la redresser et d'en faire une héritière du rôle adaptée... Le déni était puissant chez sa pauvre co-dirigeante... Mais après tout, si elle avait eu deux filles aussi catastrophiques, elle-même aurait été tentée de se mentir à leur propos.
Arrivée dans le couloir principale de son château, ses talons claquant d'une manière quasi menaçante sur le sol dur au rythme de sa démarche furieuse, elle pris la direction de son bureau, prête à noyer sa frustration et sa colère entre de l'administratif et un bon verre de vin rouge. Le travail la distrairait de tout ce cirque environnant, et de la louve en elle grondant et quémandant violence. Une société d'incompétents, des Aurors mal élevés, même les Moon elles-même semblaient s'adonner à des comportements honteux indignes de leur importance...
Poussant la porte de son bureau, elle se retrouva surprise quand son regard accrocha le visage familier de la plus jeune de ses enfants. Que faisait elle à tourner comme un chiot nerveux dans son bureau ? C'était Zélie, et de toutes ses enfants, elle était probablement une des plus sensées, elle ne serait pas là sans raison... N'est ce pas ? "Zélie," la salua t-elle d'un ton neutre, menton haut, se dirigeant tout de même vers son bureau trier ses papiers. Sa fille était elle nerveuse ? Il lui semblait que le loup en elle sentait de la nervosité chez la jeune Moon. S'était il passé quelque chose ?
Tirant sa chaise régence, elle pris place dessus, désignant une autre chaise non loin. "Asseyez-vous, et expliquez-moi donc la raison de votre présence ici." S'agissait il d'un ennui de contrôle de son loup ? Non, il lui semblait que sa fille était autonome là-dessus, qu'elle avait compris l'essentiel de ce qu'elle devait comprendre, qu'elle n'était pas en conflit avec sa louve intérieure, et qu'elle avait maîtrisé ses enseignements quant à ses nouvelles capacités physiques suite à la morsure... Alors quoi ? Des ennuis à Poudlard ? Elle pouvait les régler seule. Et elle devait les régler seule. Qu'est ce qui pouvait bien amener sa fille chérie devant elle à son bureau ?

L’après midi avait réservé son lot de surprises pour Zélie. Non seulement elle avait appris qu’[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] était un être aussi insupportable que pathétique, mais elle avait également découvert que le mal qui rongeait la mère de ce dernier était probablement dû à un empoisonnement. S’il ne lui avait pas ouvertement fait part de ses soupçons, il n’avait pas fallu trop de temps à la jeune louve pour saisir le problème. Ivanna ne s’était très certainement pas empoisonnée seule, et son fils, aussi pénible qu’il puisse être, semblait réellement l’aimer et se soucier d’elle. Ça n’avait pas de sens… à part si... Une évidence s’était donc insinué en elle à l’instar du poison administré à la Farkas. Les seules personnes vivant ici et ayant libre accès à tout le domaine étaient des Moon. L’une d’entre elles était donc coupable, et Zélie avait beau retourner le problème dans tous les sens, elle en venait toujours à la conclusion qu’elle ne pouvait pas laisser une pomme pourrie au sein du panier.

Cependant, cette conclusion la plongeait dans un sérieux dilemme. Devait-elle en informer sa mère ou bien garder cette information pour elle ? C’était qu’elle pouvait très bien enquêter de son côté, le temps de glaner davantage d’information et potentiellement débusquer la responsable mais, une fois celle-ci identifiée, que ferait-elle ? C’était malheureusement dans ce genre de situation qu’elle comprenait qu’elle n’avait pas encore la trempe de sa mère. Des décisions, elle savait en prendre et rapidement mais seulement quand c’était pour défier l’autorité de l’Alpha, faire des bêtises ou même pour des choses avec des intérêts et importances moindres. Là, il s’agissait d’une trahison qui pourrait mettre le clan en péril. Aha ! Elle se revoyait encore rire au nez d’Alyosha à propos d’une troisième guerre magique, mais maintenant que la menace était réelle, ça ne la faisait plus rire du tout. Zélie avait donc pris la direction du bureau de sa mère, espérant innocemment que les lieux lui donneraient une réponse ou à minima lui insuffleraient une part de la détermination dont débordait la propriétaire. Mais rien de très intelligent ne lui venait en tête alors elle tournait, comme une louve en cage et parfois, elle tripotait les bibelots ornant le bureau. Sa mère avait vraiment des goûts douteux, à quoi lui servait cette conque ? Purement décoratif ou était-ce un presse-papier ?

Ses interrogations furent stoppées lorsqu’elle entendit les talons de Zénobia marteler sauvagement le sol. Par Merlin, Zélie pouvait prédire l’agacement de sa mère rien qu’à la façon dont elle se déplaçait. La jeune femme ne put s’empêcher un faible sursaut lorsque la porte s’ouvrit, dévoilant le visage de l’Alpha qu’elle sonda instantanément pour prendre la température. Ah, quel plaisir de découvrir tout l’amour que sa chère maman lui portait dans ses yeux. Non. Bien évidemment, Zélie eut droit à son sempiternelle air condescendant. Elle s’effaça pour la laisser passer et replaça méthodiquement la conque sur le bureau après qu’elle ait fait semblant de s’intéresser d’avantage à ses feuilles qu’à sa fille. « Vous me manquiez, Mam’s » dit-elle, un sourire sournois aux coins des lèvres. C’était sa façon à elle de se départir un peu de sa nervosité et de gagner du temps parce qu’elle n’avait toujours pas décidé de ce qu’elle allait faire.

Ses yeux suivirent le regard de sa mère et rencontrèrent une chaise. Elle était beaucoup trop tendue pour rester sagement assise sur une chaise. Puis, la satisfaction de pouvoir la regarder de haut était beaucoup trop alléchante pour daigner obéir. La cadette du clan fit quelques pas afin de réduire la distance entre elle et l’aînée. « Vous m’avez l’air tendue. » fit-elle remarquer. C’était l’hôpital qui se foutait de la charité, soit dit en passant. « Quelque chose vous chiffonne ? » demanda-t-elle naturellement en posant ses mains sur ses épaules. Elle commença à masser doucement mais avec l’aisance d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, appliquant une pression régulière pour dénouer les nœuds de tension. Son sourire s’élargit en continuant son massage en donnant des petits coups pas du tout modérés avec la tranche de ses mains. Elle se lança et se justifia, ignorant le supplice qu’elle infligeait à sa mère. « Faut prendre soin de nos anciens… » C’était gratuit mais tellement jouissif de lui rappeler qu’elle était vieillissante. Reprenant son sérieux. « J’ai croisé le fils Farkas cet après midi et j’ai appris que sa mère était malade. » Elle savait que Zénobia était déjà au courant, puisqu’elle avait autorisé la présence d’Alyosha. « Ça m’a rappelé que rien n’est éternel et ça m’a donné envie de vous voir.  » Sentimentale la Zélie ? Pas du tout.

Ce n'était pas une bonne journée pour Zénobia, et celle-ci n'allait pas s'améliorer. Quand la dirigeante Moon était revenue sur ses terres, et avait pris le chemin de son bureau songeant y trouver là des miettes de tranquillité, ce qui l'avait alors attendu était énonciateur de tout sauf qu'une pause pour apaiser son irritation. Comment se faisait il que les choses semblaient déterminées à vouloir la rendre plus désagréable qu'elle ne l'était déjà ? Enfin, ce n'était heureusement que sa dernière fille, la toute petite, la préférée, la seule qui quelques part pouvait se permettre quelques écarts sans subir de trop terribles conséquences... Et elle venait rarement pour rien. Non, elle préférait même avoir sa propre vie loin de maman en dehors de solutions demandant à ce qu'elle revienne dans ses pattes. Zélie était une jeune femme pleine de caractère, et elle avait un brin plus de débrouillardise que le commun de cette génération d'empotées. Comment est-ce que le clan pourrait il se débrouiller quand les aînées seraient parties ? La malédiction de Loup Blanc probablement pouvait prendre bien des formes, et il grandissait en son esprit l'idée que même éliminer la source qui retournerait l'esprit des siennes ne les sauverait pas.
Malgré la présence de sa fille dans la pièce, la matriarche ne s'était que peu adoucie, la saluant d'une manière qui sonnerait un peu glacial si ce n'était pas simplement sa manière normale de s'adresser à ses filles depuis leur plus tendre enfance. La douceur, l'affection, étaient des denrées rares, et qui s'épuisaient quasiment passé la troisième ou quatrième année de vie de ses louveteaux. Comment faire des combattante si on ne les élevait que dans la douceur et la compassion ? Le monde était cruel, et elle avait, comme sa mère avant elle, décidé de choisir une éducation plus difficile et restrictive pour ne pas laisser les siennes démunies dans un monde hostile si elles se retrouvaient livrées à elles-mêmes. Les faibles ne pouvaient aller loin, et les héritières d'un clan aussi prestigieux que celui des Moon ne pouvait s'offrir le luxe de se constituer de brebis tête-en-l'air utopistes et trop tendres. Manquer à quelqu'un... Est-ce qu'elle disait à ses filles que celles-ci lui manquaient ? Elle l'avait bien dit après avoir perdu deux d'entre elles aux autres, des mots furtifs, vite remis sous le tapis, qui n'osaient pas se dire comme le reste car ça ne se disait tout simplement pas. Pourtant, sa dernière fille elle savait le dire, mais probablement plus dans un élan provocateur qu'autre chose. Zélie était une forte tête, elle ne lui connaissait pas les côtés un brin trop fragiles et délicats que pouvaient parfois montrer son aînée Althéa. Ainsi, elle ne releva pas ce qu'elle avait dit, ne le prenant que pour un élan d'insolence pour se donner un air assuré.
Cependant, Zénobia s'attendait à ce qu'on lui obéisse. Elle s'attendait à ce qu'un "asseyez-vous" se suive d'une exécution prompte et sans discussion après avoir elle-même prise place à son bureau... Mais il n'en était rien. Pour une certaine raison, le louveteau nerveux face à elle resta debout, puis s'approcha, notant quelque chose qui fit hausser un sourcil à la matriarche. Cette enfant... Pensait elle masquer sa nervosité en notant que son humeur à elle était mauvaise, comme pour détourner le sujet ? Qu'avait elle en tête ? N'était elle pas venue pour quelque chose d'important ? Quelle catastrophe souhaitait elle lui apprendre... Elle était renvoyée de Poudlard ? Elle avait mordu un camarade ? Fait des misères au morveux d'une famille avec qui elles étaient sensées avoir de bons contacts ? "J'ai simplement eu le déplaisir d'avoir à régler des affaires futiles du fait des actions stupides d'un insecte bien insolent," avança t-elle simplement, cherchant dans la voix ou le souffle de sa fille la moindre pointe d'angoisse.
Comment se faisait il que cette enfant soit d'humeur à jouer en ayant pourtant tant de tension en même temps dans le corps ? Etait-elle des personnes qui trouvaient en des points de tension l'amusement nécessaire pour divertir leurs âmes ennuyées ? Elle avait toujours eu quelque chose d'un peu sauvage, c'était bien pour cela qu'elle était pressentit à lui succéder. Mais en sentant les mains de sa fille et ses gestes patauds pour faire un massage qui tirait probablement plus du bourrinage que d'une volonté d'aider, elle en convint que le temps était tout sauf venu. Trop immature, trop insolente, incapable d'analyse pertinente de ses adversaires... A son âge, elle avait déjà dû prendre le rôle depuis plus d'un an, mais elle... Ah, cette petite peste, c'était qu'elle faisait mal. Depuis quand parlait elle ainsi à sa propre mère ?
Mais, patiente, elle resta impassible, suivant la suite des mots échappant à sa progéniture avec attention. Ivana Farkas... Son stupide rejeton passait en effet s'assurer de son état de temps en temps... Elle détestait ce môme. Mais elle avait assez de contrôle et d'affection pour son amie pour ne jamais lui avoir dit ce qu'elle pensait du morveux. Rien n'est éternel ? Sous-entendait elle qu'Ivana était dans un état plus déplorable que la dernière fois qu'elle lui avait rendu visite ? Elle avait pourtant semblé en rémission, comment..? Bien évidemment, elle demeurerait probablement fragile pour du long terme voir toujours, mais pas au point que sa vie soit en danger.
Chassant les mains de sa fille sur ses épaules d'une tape, elle se retourna d'un geste vif et mesuré, tirant Zélie par l'oreille sans ménagement avant de se lever et de la forcer à s'asseoir d'une autre main. "Et vous êtes bien nerveuse, Zélie... Et d'une humeur de korrigan malgré cela..." Elle était pourtant certaine de ne pas avoir accouché d'aucun lutin espiègle. Il y avait bien ce maudit chien blanc, mais sa fille... Sa fille était sa plus grande réussite, même si elle se voulait visiblement d'une humeur agaçante. Lâchant l'oreille rougie de sa fille, elle replaça une mèche de cheveux sombre jusque là sur ses tempes derrière, dans un geste qui aurait semblé presque affectueux sans les actions précédentes. "Qu'arrive t-il à Ivana ? Puisque c'est de ceci dont vous vouliez me parler, n'est ce pas ? Vous n'êtes pas venue faire du sentimentalisme. Elle détesterait la savoir secrètement si sensible, la savoir contaminée par le côté de chiot mouillé tremblant et fragile qu'avait son frère jumeau. Une leader faisait passer la raison avant tout le reste, et ne perdait pas son temps à ce genre de pratiques absurdes. "Ne me faîtes pas perdre mon temps, et parlez," ordonna t-elle, sa main toujours sur l'épaule de sa fille raffermissant son emprise. Elle n'était pas d'humeur à la laisser plaisanter... Et puis, elle n'était pas une petite-fille, qu'elle se contente d'ennuyer ses soeurs ou ses cousines... Enfin non, elle préférait tout de même la savoir loin de Petite Sotte. Elle avait conscience que la tenir loin d'Elliot sur du long terme serait trop difficile, mais Faye était évitable.

Le moment n'était peut-être pas le mieux choisi pour se montrer espiègle et insolente vis-à-vis de sa mère, mais si Zélie devait attendre le bon moment, celui-ci ne viendrait probablement jamais. Zénobia avait été et serait toujours une mère impitoyable, se faisant obéir grâce à une autorité plus que discutable, fondée sur un climat de représailles. Était-ce sain ? Certainement pas pour la nouvelle génération. La matriarche pouvait bien en profiter encore un peu et s'imaginer que cette façon de faire était efficace, mais bientôt elle tomberait de haut quand la chair de sa chair lui arracherait le pouvoir de la même manière qu'elle traite les plus faibles. Ignorant délibérément cela, Zélie s'était laissée aller à un acte un tantinet suicidaire tout en se mêlant des affaires de sa mère, alors qu'honnêtement, elle s'en fichait comme de l'an quarante de ses problèmes de nuisibles. C'était plutôt pour se donner le temps de réfléchir quant à la révélation qu'elle souhaitait faire ou non qu'elle s'était lancé dans cette mission bancale.

Cependant, une tape brusque sur la main lui signala que la patience de sa mère avait atteint sa limite et elle n'eut pas le temps d'anticiper la suite. La jeune femme tenta de suivre l'allure de l'Alpha, grimaçant légèrement sous la douleur que lui occasionnait son oreille tirée, et rageant intérieurement tout en pensant que l'objectif avait sans doute été de la dissocier de sa tête. Ça lui faisait mal, toutefois, ce n'était rien par rapport aux souffrances des premières transformations en louve. Elle pouvait supporter et encaisser la douleur sans verser une larme, non, c'était son amour-propre qui lui faisait défaut à ce moment-là. À quoi s'était-elle attendue ? Honnêtement ? À rien, mais elle était tout de même déçue. Se laissant tomber comme un poids sur la chaise qu'elle avait précédemment refusée, elle eut ensuite un mouvement de recul lorsque Zénobia lui replaça une mèche de cheveux, ne pouvant s'empêcher de la fusiller du regard. Zélie avait perdu son sourire et son envie d'avertir d'un potentiel problème. La louve en elle grognait, pelage hérissé et babines retroussées contre cette démonstration de domination.

Qu'elle aille se faire voir, cette vieille mégère ! « Elle est malade », dit-elle en croisant les bras, arborant un air mauvais. Sa réponse brève et froide ne contribuait en rien à faire avancer la discussion. Si sa mère ne souhaitait pas perdre son temps, Zélie, de son côté, n'était pas prête à lui en faire gagner pour autant. Sa mère ne lui faisait pas peur, bien qu'elle puisse parfois l'intimider, mais cela s'arrêtait là. Comme on dit, le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre. « J'ai peur que vous fassiez également preuve de sentimentalisme » ajouta-t-elle, en réponse à ses paroles.

Cependant, le poids de la main agrippant son épaule lui rappela de ne pas trop jouer avec le feu. De plus, son instinct protecteur envers le clan reprenait le dessus en lui rappelant la gravité des événements. Ayant enfin pris sa décision, Zélie soupira et baissa la tête. « Elle a été empoisonnée et il est probable qu'elle le soit encore », déclara-t-elle. Finalement, elle se surprit à chercher le regard de sa mère pour tenter de déceler la moindre réaction de sa part. « Et cela ne peut être que l'œuvre de l'une des nôtres... » La jeune femme n'appréciait guère l'idée qu'une autre personne puisse les mettre en danger. Néanmoins, cette prise de risque témoignait d'un problème réel au sein du clan. La confiance et la sécurité étaient ébranlées, et il était impératif d'identifier et de résoudre cette menace. Zélie sentait l'urgence de prendre des mesures pour protéger les leurs, mais elle savait aussi qu'il fallait agir avec prudence et intelligence. La question demeurait : qui était derrière cet empoisonnement ? Était-ce un acte isolé ou le signe d'une dissension plus profonde au sein du groupe ? « Je ne pouvais pas garder cela pour moi. Trouver la responsable seule sans provoquer des tensions me semblait fastidieux. » admit-elle avec sincérité. Si ça ne tenait qu’à elle, elle forcerait tout le monde à prendre un philtre de vérité pour résoudre le problème au plus vite mais elle avait bien conscience que cette méthode n’était pas la bonne. « Quelles seront les conséquences pour la personne responsable une fois qu'elle aura été démasquée ?  » La raison pour laquelle elle s’était retrouvée dans le bureau de sa mère était qu’elle ignorait la réponse à cette question. Zélie ne savait pas quoi faire de la coupable une fois qu’elle l’aurait trouvé.

Zélie était indiscutablement la préférée de Zénobia. Quelque chose comme les privilège de la dernière née, et le sentimentalisme passager lié à la perte des seules autres filles qu'elle avait eu de Christian... Quand ses aînées avaient trouvé la mort d'une manière qui à ce jour encore demeurait un mystère pour l'Alpha, sa petite dernière, qui alors n'avait même pas atteint l'adolescence, était devenu un réceptacle inconscient de son affection qu'elle ne pouvait plus offrir à d'autres. Elle aurait dû leur dire certaines choses avant, elle aurait dû mieux prendre soin d'elles, mais elle avait choisit de pourtant traiter le reste de ses enfants avec la mêle dureté, la même quasi froideur trop peu de temps après sa perte. Elle était une leader, les émotions étaient de trop, et tout finissait en elle refoulé, quand bien-même la chose ressemblait plus à une gamine repoussant les vagues avant sa pelle à la plage. Après tout, tout finissait toujours pas revenir, inévitablement, et il fallait faire avec les vagues... Pas que quelqu'un comme elle était prête à l'admettre. A son âge, elle se disait souvent qu'elle n'avait plus rien à apprendre, qu'elle savait mieux qu'autrui, et que c'était le rôle des plus jeunes d'apprendre d'elle, puisque personne ne savait mieux. Mais il y avait que même dans toute la sévérité dont elle était capable, Zélie avait des avantages que d'autres n'avaient pas.
Premier avantage : le numéro que venait de faire Zélie aurait eu des sanctions bien pires si elle avait été une autre personne. Une petite tape, se faire tirer l'oreille et être forcée de s'asseoir, c'était bien doux. Si, à tout hasard, une membre du clan qu'elle appréciait peu comme Faye avait osé faire de la provocation, en la touchant ainsi, en usant de ces mots, elle n'aurait pas pu promettre de lui laisser ses deux mains sans os brisés. Un doigt abimé, ça irait, ce n'était même pas tant que ça sévère, dans son esprit brutal...
Et du regard mauvais de son dernier enfant, elle ne se formalisa pas malgré l'irritation et la fatigue. Elle était vaincue pour l'instant, il n'y avait pas besoin de plus... Ou alors, peut-être encore un peu. Parce que non contente d'avoir déjà pu autant s'amuser, la petite Moon croisait désormais les bras, ses yeux clairs continuant à envoyer orages et tornades. Ah, elle n'était pas sa fille pour rien... Sa première réponse à sa question n'apportait rien, juste un constat que tout le monde sur le domaine avait déjà faîte. Etait-elle tant que ça déterminée à lui faire perdre son temps ? Quand elle était entrée, elle l'avait pourtant trouvée bien nerveuse... Elle aimait donc vraiment le danger. Sale gosse. Ça la rendait imprudente. "Ivana est notre seul lien positif avec la famille Farkas, dont tu n'es sensée pas ignorer la puissance. Ce sont des gens puissants avec qui nous ne devons pas avoir d'ennuis. Les siens n'ont aucun respect ni pour la pureté de l'usage de la magie, ni pour les créatures magiques, et Ivana même a fini par s'enfuir avec son amant et son fils. Tu apprendras qu'il faut prendre soin de ses alliés, et faire des choix politiquement éclairés en tant que dirigeante..." Plaisanter au sujet de leur protégée était un non-sens, ça ne l'amusait pas du tout. Et elle n'avouerait de toute façon jamais la part sentimentale, cachant tout sous le tapis autour de valeur soit-disant objectives et d'idées politiques qui lui étaient évidentes. Leur famille avait grandement profité d'Ivana pour entretenir une paix relative avec les Farkas et apaiser les tensions...
Comme pour appuyer le sérieux de la situation, Zénobia avait resserré sa pression sur l'épaule de sa fille, nouvel avertissement silencieux à son égard. Ce qui concernait Ivana et son destin parmi les leurs in-fine concernait le paysage des relations entre le clan Moon et la famille Farkas. Il était irraisonnable de chercher le conflit avec de telles personnes, et la matriarche refusait d'exposer les siennes à un danger aussi considérable que celui d'avoir à les affronter. Elle se pinça les lèvres en entendant finalement des mots raisonnables et une explication provenir de la brunette assise à sa place. Elle avait été empoisonnée ?! Comment ?! Zélie avait raison : ça ne pouvait qu'être l’œuvre d'une autre louve. Personne d'autre ne pouvait accéder à cette partie du territoire, sinon une Moon ou quelqu'un ayant été invité chez elle. Mais cela pouvait il être le fait d'une personne venue visiter qu'une fois ? Elle se souvenait parfaitement de tous les passages, mais en zone invités, il n'y avait eu dernièrement qu'Ivana, ses deux fils, et son amant. Les autres personnes sur le territoire... Il n'y avait eu que Sohil, mais il n'avait été qu'au château pour l'inspection, et cet homme n'était pas capable d'une telle chose. Elle le savait : il y aurait eu trop à perdre.
Au commentaire suivant de sa fille, elle ne pu qu'approuver. Zélie ne pouvait pas enquêter seule, et elle aurait probablement fait prendre plus de risques à son propre clan qu'autre chose. Elle avait à cœur de protéger les siennes, du caractère et de la jugeote, mais elle manquait de maturité, elle était trop impulsive, et elle avait une très mauvaise tendance à ne pas bien comprendre qui étaient ses adversaires. Elle avait beau désormais être louve-garou, elle demeurait jeune : une autre louve plus âgée n'en ferait qu'une bouchée, et même une humaine Moon pourrait la mettre en échec pourvu de tirer profit des tendances désordonnées de sa progéniture. Elle ne voulait ni perdre sa fille, ni risquer de causer une guerre intestine plus vaste au sein du clan, ni laisser planer le danger d'une guerre sociale entre leurs allié-e-s et ceux des Farkas. "Sage décision. Je crains fort que ça soit quelqu'un d'organisé, et je ne peux risquer de te laisser potentiellement affronter une louve avec plus d'expérience que toi. Il ne faut pas se laisser porter par l'impulsion, si nous arrivons à tendre le bon pièce, la responsable y tombera seule, et nous pourrons agir en conséquence." Il était naturel de d'abord suspecter une soigneuse, en particulier celle attitrée à Ivana, mais c'était bien trop simple. Tester cette suspecte irait vite, il faudrait ensuite voir plus loin. Une membre de la branche Omega ? Elle pourrait toujours en discuter avec la doyenne du clan, personne d'autre qu'elle ne sondait mieux les âmes et les intentions.
Tirée de ses pensées par la question suivante de Zélie, elle resta quelques secondes hésitante, avant de laisser traîner un "S'en prendre à une réfugiée diplomatique et mettre toutes les nôtres en danger de mort en risquant un conflit sanglant avec les Farkas est probablement un des crimes les plus graves qu'on puisse commettre en tant que membre du clan. Ce n'est pas comme les bêtises de ta cousine Avalon qui s'est fait prendre la patte dans la sac et a fini à Azkaban : elle nous a fait honte, mais elle ne nous a pas mises en danger..., son regard s'était durci, s'étant fait glacial, une expression dure creusant ses traits, La mort est la sentence appropriée." Pas que ça la réjouissait, mais une telle trahison était impardonnable, et l'exil serait trop douce pour quelqu'un qui était décidé à apporter le spectre de la mort sur son clan entier. Une exécution en privé, ou en public après..? Ce serait à décider selon les circonstances. Elle aurait le droit à un jugement de la part des trois dirigeantes du clan, et si l'Omega avait le cœur le plus tendre, ni Anésidora ni Zénobia ne plaideraient pour de la douceur ou de la pitié. "Et vous Zélie, que pensez vous qu'il faudrait faire de la responsable d'une telle trahison ?" demanda t-elle, bien qu'au fond, elle ne considérerait pas vraiment son avis pour ce cas-ci. C'était elle la cheffe, c'était ce qu'elle choisissait, la décision était prise. Ce n'était juste qu'un bref test, qu'histoire de tester quel genre d'Alpha elle pourrait devenir. Elle ne pourrait léguer son titre à une personne faible et magnanime au regard des offenses faîtes par autrui. Il fallait être cruel parfois, pour protéger les siennes.

Zélie connaissait très bien l'importance d'entretenir des liens positifs avec certaines familles. Chaque allié supplémentaire renforçait la protection du clan, et c'était quelque chose à ne pas négliger. La jeune femme en avait parfaitement conscience, donc il était inutile que sa mère le lui rabâche, surtout d'une manière qui se voulait moralisatrice. N'avait-elle pas encore compris le fonctionnement de sa progéniture ? Les sujets graves n'enlevaient et n’enlèveraient jamais à Zélie son envie de plaisanter, car c'était un moyen de mieux accepter les choses, un peu comme un bonbon sucré qui adoucit l'amertume d’une nouvelle ou d’un évènement. Ça ne faisait pas d’elle quelqu’un d’irraisonné ou de totalement inapte quant à la prise de décision sérieuse. L’un n’empêchait pas l’autre, cependant, sa mère avait tendance à ne pas saisir les nuances d’un tempérament et à condamner les traits qui n’entraient pas dans la définition qu’elle se faisait elle-même d’une bonne dirigeante. Roulant des yeux, elle se retint de soupirer bruyamment ainsi que de dégager son épaule de l’emprise de l’Alpha.

Elle détestait quand Zénobia usait de son aura dominateur, obligeant le louveteau qu’elle était à japper d’inconfort, la queue entre les pattes. Elle aurait aimé hurler plus fort qu’elle, inverser les rôles et la faire s’asseoir voir même se ratatiner dans sa chaise en lui intimant de fermer son clapet mais le combat n’était pour le moment pas équitable, Zélie n’avait pas encore suffisamment acérer ses griffes pour faire basculer la balance à son avantage. Alors, elle se contenta de serrer le poing sur sa cuisse tout en la toisant froidement, se jurant intérieurement que la première chose qu’elle ferait subir à sa mère serait un dégriffage pour la rendre aussi inoffensif qu’un agneau. Cette pensée lui arracha un léger sourire, néanmoins, elle clôtura rapidement cette parenthèse mentale pour ne pas s’attirer plus de dommage. Elle n’était pas supposer afficher un visage souriant dans une telle situation, autrement, ça lui coûterait un nouveau mauvais point. Non, ce qu’elle avait appris était suffisamment alarmant pour la mener tout droit dans l’antre de la bête de Brocéliande donc elle reprit une mine grave et s’accorda sur la suite.

Sa langue finit par se délier et exposer les faits. Si elle avait laissé ses émotions prendre le dessus sur sa raison, elle n'aurait très certainement jamais daigné avertir sa mère quant au supposé empoisonnement d'Ivanna. Toutefois, malgré ce que l’on pouvait en penser, Zélie chérissait son clan et était déterminée à le protéger coûte que coûte. Cette décision lui valut un semblant de compliment, mais il fut rapidement balayé. C’était la carotte avant le coup de bâton. Zélie se renfrogna. Qui était impulsive ? « Je ne suis pas faible ! » contesta-t-elle, car elle ne retenait que le fait que sa mère semblait minimiser sa force. Qu’en savait-elle après tout ? Peut-être qu'elle ne faisait pas le poids face à quelqu'un de la même stature que l'Alpha, mais secrètement, elle commençait à forger ses propres armes. Se ravisant, elle s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, concédant finalement qu'il était préférable que sa mère la croie faible. Puis, voulant obtenir la réponse à l’une des raisons de sa présence ici, elle questionna la matriarche sur le châtiment qu’encourait la responsable.

Bizarrement, elle crut apercevoir une certaine hésitation chez son interlocutrice. La question était simple pourtant et Zélie ne lui connaissait pas ce genre d’oscillation intempestive. Fronçant des sourcils, elle écouta ses propos avant de déglutir face à cette sentence vindicative. Elle n’était pas surprise, non et ne doutait pas du fait que c’était vraiment ce qui allait arriver à la traîtresse. Elle était elle-même rancunière, mais elles parlaient de l’une des leurs. Il devait y avoir une raison à ce geste. « Vous ne vous demandez pas pourquoi ? J’imagine que la raison vous importe peu, mais il y a peut être des circonstances atténuantes. » La jeune femme cligna des yeux l’espace d’un instant. Elle ne s’était pas attendu à ce qu’on lui retourne la question, c’était chose rare qu’elle lui demande son avis. « Oeil pour œil, dent pour dent. Je suis pour rendre au centuple ce qu’on me fait subir... » dit-elle, le regard fixe, cherchant peut être inconsciemment à faire véhiculer un message. « Cependant, il ne s'agit pas seulement de moi, mais du clan tout entier... » Aussi, Zélie aurait donc tendance à demander l’avis des autres avant d’envisager une quelconque vendetta personnelle. Elle aspirait à quelque chose de plus équitable où chacun aurait son mot à dire. Bien qu'une exécution puisse sembler être la punition la plus appropriée, la jeune louve ne se sentait pas capable de parvenir à une telle conclusion. Il existait d'autres moyens de châtier, la mort était une solution simple, mais vivre en affrontant ses erreurs chaque jour était bien plus difficile. «  Et je pense que la priorité est de maintenir Ivanna en vie. Vous n'y parviendrez pas sans une aide extérieure, donc... » Alyosha, expert dans son domaine, semblait sécher sur un potentiel remède et les restrictions imposées par les règles Moon concernant la présence d'hommes sur le domaine n’aidaient en rien. Si elle n'avait pas été au bon endroit au bon moment et qu'elle n'avait pas décidé de passer outre le règlement en ouvrant les portes du domaine principal, elle n'aurait jamais appris tout ça. « Vous ne pensez pas qu’il est temps de faire sauter cette règle stupide qui interdit aux hommes de mettre un pied au domaine sans votre accord préalable ? » D’une pierre deux coups, elle profitait de la situation pour tenter d’ouvrir des portes à son frangin.