⊰ printemps 2023

La pénombre de l’immense Bibliothèque Magique Nationale faisait du bien à ses yeux fatigués. Il avait déjà mis les pieds dans cet endroit pendant sa scolarité à Poudlard, pour des recherches mais jamais depuis. Qu’est ce qu’il aurait été foutre ici ? C’était trop calme, trop silencieux et pour le raveur qu’il était, c’était d’un ennui mortel. Pourtant l’odeur des parchemins provoquaient en lui  de sensation de contentement et les interminables rayonnages un sentiment de perdition presque euphorique. Il se sentit étrangement seul, si on mettait de côté les couinements du Boursouf lumineux qui flottait à côté de lui pour l'éclairer. Parfois il croisait quelques personnes affairées, d’autres endormis sur des tables et Alyosha, son sac à dos défoncé sur le dos, suivait la créature magique d’un pas lent et flegmatique.

Il n’était pas spécialement ravi d’être là. Il sortait d’une garde de plus de dix huit heures d'affilée et son dernier patient lui avait fait faux bon. Si leur première rencontre n’avait rien eu de légal, il avait préféré le faire venir à St Mangouste pour plus de facilité avec son emploi du temps. Mais il n’était pas venu. Si cet homme n’avait pas été un ami proche de son frère, il se serait très certainement contenté d’un hibou mais voilà, Roman Johanssen était, ce qu’on pouvait appeler, un trés bon ami d’Ervin et si Alyosha ne faisait pas son travail correctement, son frère allait lui tomber dessus. Si Alyosha pouvait facilement envoyer chier son frère, il savait que son aîné pouvait se montrer intraitable sur bien des sujets et qu’il serait capable de lui pourrir la vie jusqu’à ce qu’il s'exécute.

Alors, comme un gentil petit frère (ce qu’il n’était absolument pas) il avait fait un crochet par le Vestigia en se disant que cela serait vite plié, qu’il pourrait rentrer, prendre une douche ou pas, s’endormir ou pas, ou s’enfoncer dans la douce torpeur de la Troublétoile ou pas.
Car oui, il avait replongé, si son sevrage forcé pendant son séjour dans les geôles du Ministère avait tenu quelques semaines, la routine et les très mauvaises habitudes avaient vite repris le dessus. Trop de chose à oublier, trop de chose à effacer, il n’y avait que comme ça qu’il se sentait bien, vivant, en étant incapable d’aligner deux pensées cohérentes, en étant incapable de se lever, où tout simplement bercé par les transes lascives de corps collé contre le sien, qu’il s’agisse de danse ou non.

La capuche de son sweat enfoncé sur la tête, cachant ses cheveux plus blonds que roux en ce moment, des cernes creusés jusqu’au menton, il se traînait comme une âme en peine dans ce dédale de savoir. Il s’arrêta devant un rayonnage, levant les yeux pour y lire le nom de la section et s’y enfonçant, arrêtant de suivre le Boursouf. Ses doigts glissèrent sur les reliures, lui tirant finalement un léger sourire et il s’arrêta devant un ouvrage à la couverture rouge et verte, usée et dont le cuir était lissé par l’âge. C’était un herbier des plantes magiques les plus venimeuses au monde qui s’intitulait : Plantes & poisons : secrets et pouvoirs des plantes magiques toxiques.
Un souvenir lui revint, il se rappelait l’avoir déjà vu dans la bibliothèque des Farkas. Il se souvenait de cette couleur atypique. Le sortant du rayonnage, le craquement du livre, l’odeur qui s’en dégagea et le bruit des pages qu’il tourna lui firent oublier pourquoi il était là. Sous le titre enluminé, se trouvait une phrase manuscrite en latin :  statut um est hominibus semel mori - C’est une loi de l’homme que de mourir une fois. Il la fixa un long moment, presque hypnotisé, cherchant où il avait déjà vu ces mots, avant que son Boursouf ne vienne lui rentrer dedans, percutant sa tête dans un couinement tout joyeux.

«  Rhaa fichu boule de poil ! » Grogna t-il en la repoussant de la main et en refermant le livre pour le fourrer dans son sac à dos. Le Boursouf semblant ravi de faire quelques tourbillons dans l’air grâce à Alyosha et repartit en direction de l’endroit où ils devaient se rendre en couinant tendrement.
Finalement, après quelques minutes de déambulation, Alyosha finit par apercevoir la silhouette qu’il cherchait, le dos voûté aux milieux de livres.

Le hongrois le reconnut sans mal. Presque la quarantaine, la barbe taillée dans un laissé allé qui n’en était pas un, une carrure volontaire pour quelqu’un de son âge et surtout, ce satané sourire bienveillant coller sur son visage plutôt agréable à regarder il devait bien l’avouer. S’approchant, il finit par s’appuyer contre une des bibliothèques, croisant les bras pour le fixer en train de s’affairer :

«  Monsieur Johanssen, vous êtes priés de venir à vos rendez-vous. Je ne suis pas un putain de hibou qui va passer son temps à faire la navette jusqu’à votre rétablissement. »

Aussi aimable que d’ordinaire, il le fixa de ses yeux bleus et froid, relevant le menton, il persifla :

«  Me perdre dans cet endroit en compagnie de la pire créature magique que la terre puisse porter n’était pas dans mon planning du jour. » Accusateur et sarcastique, il attrapa le Boursouf qui flottait à côté de son visage et le lança à Roman :

« Des sphères lumineuses auraient été plus pertinentes que ces trucs… »Se redressant légèrement, il fixa l’homme avec un air de défi avant de pousser un long soupir fatigué.

Comme à son habitude, Roman se trouvait au fond d’un rayonnage de la bibliothèque. Si il n’était pas dans son bureau, il était quelque part dans une allée et bonne chance à vous pour le retrouver. De base il s’y trouvait pour vérifier quelques ouvrage mais c’était aussi pour se cacher. Il n’était pas très fier de lui sur le coup mais il avait besoin de respirer. Avec ces attributions, Roman est très souvent sollicité pour signer un document, répondre à une interview, organiser un gala et d’autres missions plus ou moins ennuyeuses. Il n’avait au final que peu de temps calme pour lui seul. Naïvement, il pensait avoir encore le temps de lire ou de conseiller quelque ouvrages aux visiteurs. Tout ça n’était réservé qu’aux bibliothécaires, comme il le fut il y a quelques années. Maintenant il était à la tête de l’édifice, il n’avait plus le temps de niaiser.

L’exception du jour c’était de récolter un maximum d’ouvrages traitant des Dent-de-Vipère du Pérou pour Ervin. Depuis leur dernière intervention, son ami souhaitait se documenter sur cette espèce de dragon au cas où d’autres spécimens seraient à capturer. Roman avait quelques connaissance en matière de dragon – surtout les Norvégiens à crête – mais il n’était pas non plus un expert. Mais il avait accès à une bibliothèque immense et fournie sur le sujet, nul doute qu’Ervin aurait ce qu’il lui faut. Roman empila 2 livres qu’il glissa sous son bras, veillant à ne pas froisser sa tenue. Au bureau, il était très souvent vêtu en costume 2 ou 3 pièces afin d’envoyer une image élégante. Il aimait bien s’habiller, faisant attention aux matières et à la coupe. Aujourd’hui il avait simplifié à chemise et pantalon de costume car il avait un peu de mal à lever les bras. La rencontre avec ce dragon juvénile lui avait laissé un souvenir dans la chair, une belle entaille qui avait été rapidement recousue mais qui demeurait douloureuse. Roman grimaçait dès qu’il devait lever son bras plus haut que l’épaule. Il se disait parfois qu’il était déjà trop vieux pour tout ça, les quarante ans approchaient et il se faisait embrocher par un juvénile. Qu’est-ce que ça serait dans dix ans.

Perdu en pleine lecture d’un paragraphe sur comment les Dent-de-Vipère s’accouplaient, il n’entendit pas les couinements du Boursouf qui accompagnait un visiteur. C’est une voix agacée et légèrement hautaine qui le sorti de sa lecture. Roman releva la tête et croisa un regard azuré qu’il avait gravé dans sa mémoire. Alyosha Farkas se tenait devant lui, visiblement agacé – et fatigué si on pouvait en juger sa posture – et s’appuyant contre l’étagère. Roman était plutôt surprit de le croiser ici, ne l’imaginant pas déambuler parmi les livres et surtout il n’avait pas la moindre idée de pourquoi il était là. Rendez-vous. Et merde il avait totalement oublié qu’il devait faire contrôler sa blessure. Clairement il faudrait qu’il s’achète un Rapeltout. Alyosha semlait vraiment soûlé de s’être déplacé jusqu’ici. Le norvégien s’en voulait de pas avoir respecté son rendez-vous mais se retenait surtout de sourire car Alyosha n’était pas impressionnant. Son air agacé lui donnait presque une moue boudeuse, plutôt mignonne mais le norvégien ne pouvait l’admettre. Il eut tout juste le temps de rattraper le Boursouf que Alyosha lui avait lancé au visage. La petite créature couina entre ses mains et Roman lui donna une caresse rassurante. Bon il aurait pu se confondre en excuse pour apaser le potioniste mais s’attaquer à un Boursouf, c’était un grand non.   « Monsieur Farkas, je vous prierais de ne pas maltraiter mes Boursoufs. » dit-il calmement, un soupçon d’autorité dans la voix.    « Je suis navré pour le rendez-vous, j’ai complètement oublié. Et puis je n’avais plus mal de toute manière.» continua-t-il sur un ton calme. Il venait de lâcher un petit mensonge, histoire de ne pas donner raison au potioniste. Il n’allait pas lui dire qu’il appréciait sa visite alors autant  dire le contraire.   « J’étais totalement absorbé par la demande de votre frère et je n’ai pas vu l’heure tourner. On peut peut-être remettre le rendez-vous ? Et puis si j’oublie, vous pourriez m’envoyer un hibou pour ne pas vous déplacer. » Roman bougea enfin et attrapa la pile de livres qui flottait derrière lui, et bien sûr ce geste le fit gémir de douleur. Super. Roman devrait apprendre à mettre sa fierté de côté car clairement son mensonge était cramé. Il posa une main sur sa hanche et se tourna vers Alyosha, un sourire gêné sur le visage   « Bon peut-être que ça tire encore un peu. » D’un mouvement de baguette il remit les livres en lévitation, pas la peine de se blesser encore plus.   « Je suppose que vous allez m’ausculter, peut-être pourrions nous aller au calme dn mon bureau. Et je pourrais vous offrir du thé pour me faire pardonner. »

Fatigué et agacé, Alyosha l’était en permanence. C’était un état latent qui contrôlait son quotidien. La fatigue aussi, mais vu le train de vie qu’il s’imposait, il n’y avait là pas de grande surprise. Reprenant une moue inexpressive, il prit quelques secondes pour lever les yeux au ciel quand Roman le réprimanda pour son comportement envers cet insupportable Boursouf. Ces créatures étaient comme de la barbe à papa, collante, sucrée et écoeurante. Alyosha, dû à son éducation n’éprouvrait que peu d’empathie pour tout autre être vivant sur cette terre. Les Boursoufs devaient arriver en fin de sa liste personnelle.
Il ferma les yeux quelques secondes, préférant éviter de se souvenir en quoi finissait ces boules de poil quand Vivien leur donnait des devoirs d’alchimie noire à finir.

Un frisson incontrôlable lui secoua l’échine sous la légère autorité que Roman exerça sur lui et il continua de le fixer, détaillant sa chemise et son pantalon avant de remonter sur le visage du bibliothécaire.

« Ce n’est pas qu’une question de douleur Monsieur Johanssen. » Siffla t-il en écoutant les excuses que Roman se trouvait. Il aurait pu lui citer les douze milles autres raisons qui poussait un médicomage à surveiller les plaies d’un patient même si tout semblait aller bien, mais il ne le fit pas. Se contentant d’avoir l’air antipathique. Pas de chance pour Roman, il potassait sur le sujet depuis quelques semaines.

« C’est bien à cause de mon frère que je me suis déplacé figurez-vous. »  Le regardant en plissant les yeux, il décroisa les bras pour se redresser un peu : « Je doute qu’un hibou puisse faire des diagnostics mais on peut toujours essayer et si vous mourrez d’une infection on fera porter le chapeau à l’oiseau. »

Suivant les mouvements que Roman faisait, qui lui semblait bien trop prononcé pour quelqu’un qui avait des points de sutures, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose quand il le vit grimacer de douleur et les lèvres d’Alyosha prirent un pli plus amusé, presque moqueur. Ses yeux bleus acier croisèrent ceux de Roman et il ne dit rien, se contentant de cette petite victoire qui fit pétiller ses pupilles.

« Hn... »

Il lui emboîta le pas, levant le bout du nez pour fixer l’immensité du lieu avant de redescendre sur la silhouette devant lui, s’attardant sur le cul du bibliothécaire. Alyosha aurait pu combler les blancs de leur conversation, mais ce n’était pas son truc. Il n’éprouvait jamais ce besoin de remplir les vides avec la parole et avait toujours préféré un silence confortable à un babillage incessant.

Enfonçant ses mains dans les poches de son jean, il pénétra dans le bureau quand Roman l’y invita et il scruta la pièce avant de poser son sac à dos sur un des fauteuils près du bureau.

« Retirez votre chemise et asseyez-vous sur le bureau. » Simple, basique, efficace. Du Alyosha tout craché. Le potionniste sortit de son sac un pot de verre rempli d’un onguent, puis une fiole avec un liquide un peu violacé. Retirant son blouson en cuir usé, il remonta les manches de son sweat et abaissa sa capuche avant de lancer un sortilège avec sa baguette pour se désinfecter les mains.

Alors, il s’approcha de Roman, glissant sa main sur son épaule pour lui intimer de finalement s’allonger sur son bureau. Sa peau froide rencontra celle de l’homme et Alyosha lui jetta un coup d'œil, presque amusé avant de se pencher vers la blessure, un peu plus haut que l’aine. Le potionniste avait déjà vu le bibliothécaire torse nu le soir où il l’avait recousu et il devait avouer que pour quelqu’un de son âge, il avait un physique impressionnant.
Ses doigts glissèrent sur les abdominaux, jusqu’au pansement qu’il retira et il fronça légèrement les sourcils : « Deux points ont sauté ! Je vous avais demandé de vous tenir tranquille. » Râla t-il.

Tirant un peu sur la peau, il vit que la blessure s’était quand même légèrement refermée. La couleur noir de l’hématome tirait sur le violacé, ce qui était signe que cela se résorbait lentement. « Il faudra attendre encore une bonne semaine pour retirer les fils et lancer un episkey. » Il désinfecta la zone et s’éloigna quelques secondes, pour fouiller dans son sac et en sortir un kit de couture. Celui-là même qu’il avait utilisé pour recoudre Roman quelques jours plus tôt. Passant le fil dans le chas de l’aiguille courbée avec une étrange dextérité, il intima : « Merci de ne pas bouger. »

Sa main glissa sur le ventre de Roman, appuya fortement pour ne pas qu’il bouge et avec une certaine adresse, il recousu les deux petits points qui avaient sauté. Penché en avant, son souffle caressait le duvet de poil de Roman et Alyosha n’y prêta pas tellement attention, concentré sur ce qu’il avait à faire. Puis il se redressa et coupa le fil avec sa baguette.

D’un mouvement de baguette, il rangea le kit et attrapa l’onguent. Il y plongea son doigt et se mit à étaler la pommade autour la plaie. Immédiatement elle fut absorbée par la peau et les couleurs du bleu se mirent à changer pour s’alléger. La sensation devait provoquer une intense chaleur, puis un peu de froid, signe que la blessure guérissait. « Ça va tirer quelques heures. » Annonça-t-il avant de donner une pichenette pas très loin de la blessure pour provoquer une douleur chez Roman. « Et on se tient tranquille ! Pas de sauvetage de dragon pendant au moins un mois. Est-ce que c’est clair ? »

Le fixant se redresser, il aperçut quelque chose dans le cou de Roman et fronça les sourcils. Ses doigts glissèrent jusqu’au menton de l’homme et il lui releva le visage pour apercevoir quelques égratignures. D’une main, il replongea un doigt dans l’onguent pour venir étaler la crème dans le cou de l’ancien serdaigle. Ses doigts se firent étrangement doux et soigneux et il s’avança jusqu’à être entre les jambes de Roman pour appliquer correctement la pommade.

Roman avait la confirmation qu’Alyosha était bel et bien agacé. Il répondait avec sarcasme, ne prenant même pas la peine de masquer ses émotions. Roman aurait pu mal le prendre mais ça le faisait sourire. Derrière son air austère, Alyosha se souciait de son patient et du traitement de sa blessure, Roman pouvait au moins lui reconnaître cela. Et lorsque Roman se fit mal avec ses livres, il aurait juré entendre un « Je vous l’avais dis » de la part du potioniste. Bon vu qu’ils étaient tous deux au courant que Roman racontait n’importe quoi, ils pouvaient passer à autre chose, à savoir contrôler la blessure. Pour cela le bureau de Roman était tout indiqué, il ne souhaitait pas tellement se dévêtir devant les visiteurs de la bibliothèque. Non pas que certains s’en plaindraient. Ils se dirigèrent vers l’office, la pile de livres suivant Roman ainsi que le potioniste qui gardait le silence. Visiblement il n’aimait pas faire la conversation. Ils entrèrent tous deux dans le bureau, là où une douce chaleur régnait. C’était comme rentrer dans un cocon, on s’y sentait de suite bien. Roman faisait en sorte que le lieu soit agréable pour lui comme les visiteurs.

Roman haussa un sourcil devant la remarque du jeune homme. Il se retient de sourire   « Et bien c’est du direct » En même temps il fallait bien examine la blessure. Roman était taquin mais visiblement ce n’était pas le genre d’Alyosha. Son visage toujours fermé le fit obéir non sans le titiller   « À vos ordres monsieur » Il déboutonna sa chemise comme demandé, la posant sur le rebord de la chaise et découvrant un peu de sang sur son pansement. Bon il devait reconnaître qu’il avait déconné sur le coup là. Si sa mère savait pour la blessure, elle aurait déjà transplané pour l’engueuler. Assis sur son bureau, il observait le potioniste se préparer. C’est fou comme il paraissait tout autre lorsqu’il passait en mode professionnel. Déjà Roman pouvait enfin voir son visage puis ses mains et poignets. Son regard glissait sur la silhouette frêle du jeune homme. Il paraissait fraqile un instant puis déterminé la seconde d’après.
Sans vraiment le voir venir, Roman se retrouva allongé à moitié nu sur son bureau. C’était un scénario déjà vu mais l’enjeu n’était pas le même. Les doigts agiles glissèrent sur sa peau jusqu’au pansement, et comme prédit par Alyosha, la blessure s’’était réouverte.   « Oopsie.. » Il n’avait rien trouvé de mieux à dire tant il se sentait bête. Et puis là, allongé sur le bureau, il ne pouvait pas faire grand-chose. Alors il écoutait sagement les paroles, il faudrait donc encore patienter avant d’être tranquille. Il allait répondre lorsqu’il vit Alyosha s’emparer d’une aiguille. Bordel.   « On est vraiment obligé d’en arriver là ? » Un dragon à dents pointues ok, une aiguille pour recoudre la peau, non merci. Mais il n’avait pas le choix comme luit fit comprendre son médecin du jour. Et puis sa main appuyé fermement sur son ventre le déconcentrait totalement. Dans un autre contexte, cette proximité aurait été plutôt agréable. Roman serra les dents en sentant l’aiguille, contractant les abdos sous la main. Et voilà que son visage s’était rapproché. Roman ferma les yeux   « Au fond, je suis sur que ça vous plaît de voir les gens souffrir » plaisanta-t-il, histoire de se détendre un peu.
La prochaine étape fut l’onguent qui fut déposé sur sa peau, c’était beaucoup plus agréable que les points. Roman avait même laissé échapper un sourire de contentement en sentant le froid puis le chaud du médicament.   « Oui monsieur. La prochaine fois, je me contenterais de regarder votre frère se faire machouiller les doigts.» dit-il en se redressant. Lui aussi pouvait être ironique quand il le voulait.

Le regard azuré d’Alyosha se posa sur lui, c’était intense et suspect. Qu’est-ce qu’il avait bien pu voir. Il redressa le visage de Roman en le tenant par le menton.   « Visiblement vous n’en avez pas fini avec moi » dit-il, assis au bord du bureau, les mains sur le rebord. Alyosha confirma la chose en se plaçant légèrement entre ses jambes, l’onguent à nouveau sur ses doigts. Roman lui offrit son sourire en coin spécial trou du cul   « Vous êtes toujours aussi pointilleux avec vos patients ? » Avec cette nouvelle proximité, il en profita pour détailler le visage d’Alyosha. Ses traits fins, son regard volontaire, son nez droit, ses lèvres pincées de concentration. Il ne semblait pas réagir aux plaisanteries de Roman ou alors il faisait en sorte de ne rien montrer. Ses yeux glissèrent sur son cou fin, caché à moitié dans un sweatshirt ample. Mais le plus fascinant restait ses mains. C’était en total contraste avec son visage si sérieux. Il était doux et précis en s’occupant de Roman. Il se retient de le toucher en aggripant le bureau.   « Vous me ferez signe quand vous aurez fini de me cajoler. » souffla-t-il. Non pas qu’il se plaignait vraiment. La douleur à sa blessure s’était dissipé grâce à la pommade alors maintenant ce n’était que du bonus. Lorsqu’Alyosha termina, Roman se remit debout. Il pouvait voir maintenant qu’il dépassait le potioniste de quelques centimètres. Il lui sourit avant de le contourner, presqu’en le frôlant   « Pour vos bons soins, laissez moi vous offrir un thé avant de repartir. » . Toujours torse-nu, il attrapa la baguette sur le bureau et d’un geste, il fit chauffer sa bouilloire tandis que 2 tasses se déplaçaient jusqu’au bureau.

Alyosha avait toujours eu un faible pour les hommes plus âgés que lui. Il ne savait pas trop d’où ça venait mais les faits étaient là. S'il n’était jamais trop regardant sur le physique de ses fréquentations, préférant un puissant coup de rein à une gueule de beau gosse, il devait avouer que les hommes plus âgés avaient plus facilement ses préférences.
Quand Ervin avait transplané en trombe aux portes de son appartement, blessé et avec un colis suspect accroché à l’épaule, il n’avait pas vraiment fait attention. Il avait tout de même remarqué ce regard captivant et ce corps à se damner mais dans l’urgence de la situation, il n’avait pas prit la peine d’en apprécier la chose. Pourtant, maintenant qu’il avait Roman sous la main il pouvait parfaitement se rendre compte qu’il tenait sous sa paume un des plus beaux mecs qu’il est jamais fréquenté. Le Farkas, avec son physique mince, peu attrayant et bien souvent trop atypique pour le commun des mortels attirait peu l’attention. Ce qui n’était pas pour lui déplaire, il préférait de toute façon provoquer et obtenir que de se faire rentrer dedans comme si il n’était qu’un morceau de viande.
Il n’allait pas caché de toute façon, qu’il était la plupart du temps défoncé, bourré ou les deux pour parfois prêter attention aux détails. Tant que l’ivresse était là, c’était suffisant. Alors concentré sur son travail, car c’était là une des seules choses avec la drogue à pouvoir lui faire oublier tout le reste, il ne prêta pas plus attention que ça aux regards de Roman, ni même à ses remarques.

Pourquoi aurait-il de toute façon intéressé un mec comme lui ? Il était sans doute de l’autre bord, attirant les femmes à son bras comme mouche autour d’un verre de vinaigre et s' il n’était pas marié à son âge alors qu’il était sang-pur, c'était que quelque chose clochait.
Ne répondant que par des silences ou des Hn concentré, il ne releva les yeux qu’au moment où il fit une pichenette douloureuse pas loin de la blessure pour affirmer que oui, il prenait un malin plaisir à faire souffrir ses congénères, surtout ceux qui n’écoutait pas ses recommandations.

Étalant l’onguent, il eut un léger rire et haussa les épaules quand Roman évoqua son frère : «  Il a la peau dure. C’est un Farkas, ne l’oubliez pas. » Alyosha aurait pu remercier le bibliothécaire d’avoir protégé son aîné mais il ne le fit pas. Il n’aimait pas devoir quelque chose à quelqu’un et il devait déjà suffisamment à Zénobia. C’était tout ce qu’il pouvait accepter. Les autres iraient se faire foutre.

Reculant, il aperçut quelques légères entailles dans le cou et il s’approcha, glissant ses doigts sur la légère barbe, la sentant rapper sur sa peau et il releva le menton pour y étaler avec dextérité et application encore un peu d’onguent. Concentré, il s’approcha, laissant son visage placide à la vue du bibliothécaire. L’odeur de l’homme lui monta aux narines, celle de son shampoing, une odeur de papier, d’encre et quelque chose de plus chaud qu’Alyosha ne parvint pas à reconnaître. Remarquant du coin de l’oeil ce sourire à la con mais qui étalait des fossettes sur le visage de Roman, il grogna :

«  Surtout avec ceux qui sont amis avec mon frère. »

Penchant la tête, il glissa ses doigts sur les entailles, délicatement. Il savait la peau du cou particulièrement sensible, puis quand il eu fini il recula, jetant un dernier coup d'œil à la blessure. La disparition de la chaleur de cette proximité lui tira un frisson et il retourna vers son sac, frôlant Roman qui s’entêtait à vouloir lui offrir un thé.

«  Si ça vous fait plaisir…Attendez avant de vous rhabiller. » Fouillant dans son sac, il en sortit des compresses, ainsi qu’un bandage et retourna vers Roman. Il se plaça devant lui, levant les yeux pour le fixer, avant d’appliquer une compresse sur la plaie et de dérouler la large bande de tissus. Ses doigts éprouvèrent la sensation de sa peau encore une fois, glissant cette fois dans le dos pour faire passer le bandage, une fois, deux fois et il revint sur le ventre. Juste avant coller le bandage pour qu’il tienne, il tira durement dessus pour attirer Roman contre lui et lui faire un peu mal au passage : «  Je vous préviens que si je dois recommencer dans trois jours parce que vous avez fait le con, je laisse la plaie s’infecter et vous devrez expliquer au Ministère pourquoi vous avez un trou dans le bide à cause d’un dragon. » Ancrant ses yeux dans les siens avec férocité, il attacha le bandage dans un geste plus doux et finit par reculer pour se laisser tomber dans un des fauteuils.

Portant attention à la pièce, il attrapa son sac, où il rangea ses affaires et le livre qu’il avait pris dans le rayonnage dépassa sans qu’il y fasse attention. Le bureau était bien rangé et chaleureux, même si Alyosha le jugeait un peu étouffant. Il n’avait de toute façon que très peu d’avis sur la question, du moment qu’il pouvait dormir, s’asseoir et manger, le reste importait peu.

Ses yeux bleus suivirent la silhouette du bibliothécaire et sa jambe se mit à s’agiter dans un tic un peu nerveux. Il avait envie de fumer et il n’avait pas envie de faire la conversation. Alors, il soupira légèrement, attrapant une tasse de thé bouillante et fixa Roman avant de lui demander : «  Vous prenez toujours tout à la légère ? »

Le moins qu’on puisse dire est que cette rencontre était surprenante. Roman n’aurait jamais pensé avoir une consultation privé dans son bureau, encore moins par Alyosha. Il semblait professionnel – Roman en avait eu la preuve avec les soins tout juste prodigués – mais il ne l’imaginait pas au chevet de ses patients. Il semblait mettre une certaine distance entre les autres et lui, du moins c’est ce qu’on pouvait se dire en voyant son visage impassible. Et pourtant il était là, à scruter la moindre égratignure à guérir. Roman n’avait pas trop moufté, juste taquiner le potioniste pour qu’il se détende mais ça n’avait pas donné grande chose. Juste des « Hmm » désintéressé. Dommage, Roman aurait bien voulu l’embêter encore peu parce que c’était drôle de le voir répondre du tac au tac. Bien sûr, il ne pousserait pas le bouchon trop loin car il n’était pas quelqu’un de méchant et qu’en plus Alyosha était encore plus ou moins un inconnu. Pensant qu’il en avait terminé, Roman s’était attelé à préparer le thé mais visiblement son invité avait d’autres plans en lui intimant l’ordre de ne pas se rhabiller.   « Je commence à croire que la vue vous plaît. » plaisanta-t-il à nouveau. Une compresse qui se pose, des doigts qui courent sur sa peau, un regard concentré. Voilà donc une proximité qui plaisait au norvégien. Bon le fait qu’Alyosha tire sur le bandage le fit revenir sur terre, c’était beaucoup moins agréable même si ils étaient plus proches. Sa menace de le laisser s’infecter si Roman ne faisait pas attention sonnait comme un chiot qui apprend à aboyer. Un sourire naquit sur ses lèvres alors que Roman levait les bras en signe de reddition.   « Oui promis monsieur, je me tiendrais tranquille les prochains jours. Il serait vraiment dommage que je doive expliquer ma blessure, le contexte douteux dans lequel Ervin m’a embarqué ou comment son frère m’a si mal soigné. Et comment j’ai réussi à éloigner le dragon du centre de Londres sans aucun dégât. » Une petite pique, juste pour le faire réagir. Roman ne ferait jamais de tord à qui que ce soit, surtout pas à Ervin qui se démenait pour sauver des créatures. Ça pouvait méchamment lui retomber dessus si ça se savait. Quant à lui, il savait qu’il n’aurait pas beaucoup d’ennuis ? Lui et sa famille aidaient suffisamment le ministère pour qu’on vienne lui tenir rigueur de ses blessures. Surtout que si c’était lui qui prenait, personne d’autre n’était blessé. Bon après si personne ne pouvait être blessé du tout ça serait bien.  

La bouilloire se mit à chauffer, gargouillant joyeusement pendant que son invité se mettait à l’aise dans un fauteuil. Il donnait l’impression de ne pas vouloir être là mais il ne partait pas non plus. Lorsque l’eau fut assez chaude, la bouilloire s’éleva pour aller emplir leurs deux tasses. Roman contourna son fauteuil et son sac ouvert, l’oeil attiré par le contenu. Tiens un livre qu’il reconnaissait. Alyosha semblait avoir du goût en ouvrage, Roman pourrait peut-être l’en lui conseiller si il le souhaitait.   « À la légère ? » demanda-t-il en attrapant sa chemise pour la passer mais sans la refermer. Il s’installa dans son fauteuil face à son invité, séparé par son bureau.   « Est-ce que voir le bon côté des choses ça veut dire prendre à la légère ? » D’un naturel optimiste, Roman essayait de voir le positif et de trouver des solutions lorsqu’un problème se présentait. Dans son travail, clairement il ne se passait pas grand-chose de palpitant alors peu de problèmes pouvaient se présenter. Dans sa chronique du coeur, les souis n’étaient pas les siens alors il pouvait les appréhender sereinement. Et puis bon, son rôle était aussi de les aider et de les conseiller sans aucun jugement. Au final, le négatif ne pouvait que se présenter dans ses missions familiales. Une créature trop véhémente, une intervention sensible avec des hors-la-loi, un dossier de trafic épineux. Là c’était difficile d’être léger et positif.   « Pourquoi cette question ? Vous prenez tout au sérieux ? » Un claquement de doigt et 2 sucres atterrirent dans sa tasse   « Cela expliquerait peut-être pourquoi vous avez toujours  l’air si tendu et renfrogné. » Une nouvelle petite pique. Roman savait bien qu’Alyosha n’allait pas s’énerver, peut-être se braquer un peu. Ervin était aussi parfois un peu maussade, visiblement il fallait trouver la bonne approche pour les hommes Farkas. Du bout du doigt mais sans la toucher, il faisait tourner la cuillère dans sa tasse. Son regard se porta sur Alyosha, sa posture un peu combative. On pouvait entendre le bruit de sa chaussure sur le sol, sa jambe tressautait.   « Est-ce que je vous rends nerveux ? » dit-il en buvant une gorgée. Attention Roman, ta chemise n’est pas boutonnée, ne va pas te brûler avec le thé. Reste cool et ne lui montre pas que toi aussi tu es nerveux. Alyosha le rendait nerveux, par son flegme, par son regard perçant, par sa langue affûtée. Mais en même temps, il aimait bien leur petit jeu de tac au tac. Cela réveillait un peu son quotidien ennuyeux du bureau.

Être au contact des patients était ce qu’il détestait le plus. Il laissait cela bien volontiers aux plus sociaux et diplomates d’entre eux. A la base, il était potionniste, ne souhaitant parler qu’à son chaudron et cela lui convenait parfaitement. Pourtant il avait dû se rendre à l’évidence, son frère se blessait un peu trop souvent et ses compétences en médicomagie s’étaient très vite retrouvées limitées. Puis sous l’impulsion d’Andrew et Lyra, Alyosha avait commencé à potasser la médicomagie. Il n’était encore qu’apprenti, se contentant des soins les plus simples et passaient encore plus largement son temps dans la salle des potionnistes mais quand il s’agissait d’Ervin, Alyosha était capable de tout.
Alors, pour Roman, il avait fait le déplacement, car cet homme comptait pour son frère.

« Ce n’est pas la plus désagréable que j’ai vu » Répliqua t-il en jetant un coup d’oeil au bibliothécaire qui s’occupait de faire du thé. Il le provoquait un peu, parce que c’était dans la nature d’Alyosha de pousser les gens dans leur retranchement. Il n’y avait que comme ça qu’on connaissait vraiment les gens, quand ils étaient acculés et sans échappatoire. Puis pour punir ce sorcier qui n’écoutait pas ses recommandations, il l’attira contre lui, tirant sur ce bandage jusqu’à lui faire un peu mal. Sa réponse lui fit le fusiller du regard et il ne répondit rien, se contentant d’enfin pouvoir s'effondrer sur un des fauteuils qui n’attendait que ça.

Agacé par le manque qui commençait à naître en lui. Depuis combien de temps était-il ici ? Il avait l’impression d’avoir errer dans les rayonnages pendant des heures et son corps le lui rappellait. Aussi s’agaça t-il, posant une question à cet homme qu’il ne connaissait pas tellement mais qui dégageait quelque chose d’un peu trop solaire. Ses yeux suivirent le mouvement de la chemise qu’il enfilait, glissant sur la ligne de peau qui restait perceptible, descendant jusqu’au nombril à moitié caché par le bandage.
Sa réponse le déstabilisa quelques secondes mais il ne dit rien, se contentant d’attraper la tasse brûlante et de la poser sur le rebord du fauteuil. Il n’y ajouta pas de sucre, il n’aimait pas tellement les choses sucrées. Par contre, il raffolait des choses grasses et de la malbouffe moldue mais comme il ne mangeait jamais correctement, sautant parfois de nombreux repas, son corps restait mince et maladif.
Un léger rire sortit de sa gorge et il répondit avec un pli amusé : « Ervin vous dirait que je suis le plus fanfaron des Farkas. Je vous laisse imaginer le reste de la famille monsieur Johanssen. Disons, que nous avons très peu eu l’occasion de nous amuser au cours de notre vie et que je tente de rattraper tout ça, c’est peut être pour cela que j’ai l’air….renfrogné. »

Lui faisant un clin d'œil, montrant là qu’il n’était pas du genre à se vexer tant les choses glissaient sans aucune importance sur lui. Il reprit cette moue un peu placide, les cernes creusant son visage très pâle. Attrapant la tasse, il la porta à ses lèvres, avalant le thé chaud qui lui brûla un peu la langue sans que cela ne le perturbe plus que cela.

Sa langue passa sur ses dents quand Roman lui demanda si il le rendait nerveux et pour seul réponse, Alyosha fouilla dans la poche de son cuir et en sortit un paquet de cigarette. Sans aucune gêne, il en mit à sa bouche et l’alluma avec un briquet moldu. Ses yeux s’ancrèrent dans ceux de Roman, avec une certaine provocation. Il tira une longue bouffée de tabac et de nicotine, qui calmèrent les tremblements de sa jambe, puis il recracha la fumée en l’air, cet air de petit con amusé sur le visage.

Il en tira une deuxième et finit par éteindre sa cigarette en l’écrasant dans son thé. S’enfonçant dans son fauteuil, il braqua ses yeux bleus dans ceux du bibliothécaire et lui lança : « Vous voyez que je peux prendre les choses avec légèreté. »

Puis se levant, il enfila son manteau, sortant sa capuche pour qu’elle retombe sur son cuir et rangea ses affaires qu’il fourra dans son sac. « Mon frère serait là, il me dirait de vous dire merci pour le thé. Tout ce que j’ai a dire c’est que si vous ne vous pointez pas dans trois jours à St Mangouste, c’est lui que j’envoie faire les soins. »

Attrapant son sac, il le mit sur son dos, faisant le tour du bureau lentement, ses doigts frôlant le bois vernis avant de venir surplomber le bibliothécaire. Il se pencha, son visage frôlant le sien et il souffla : « Il faut plus qu’une belle gueule pour me rendre nerveux. » Puis il lui donna une nouvelle pichenette dans le ventre, pas loin de la blessure et il s’éloigna vers la porte.

Il y avait bien une chose sur laquelle les deux hommes étaient d’accord, l’attraction qu’il ressentait l’un pour l’autre. L’égo de Roman gonfla en l’entendant indiquer que la vue de son corps dénudait ne lui était pas désagréable. Au moins, il pouvait continuer à flirter avec lui sans qu’il ne se braque. Roman n’avait pas la prétention de se croire irrésistible. Il était assez charmeur avec du répondant, cela ne laissait pas les femmes de marbre ni certains hommes. Il se sentait toujours un peu bête en draguant mais il n’avait pas trop de mal non plus. Et puis lors des galas, ça l’aidait à ramener un peu de fond.
Confortablement installé dans son fauteuil, Roman cherchait à en savoir plus sur le jeune Farkas. Il était bien différent de son frère, c’était assez flagrant et il était donc curieux d’en apprendre sur lui. Alyosha, un fanfaron ? Et bien dis donc. Leur famille n’avait clairement pas bonne réputation et sans son amitié avec Ervin, Roman ne serait pas là en train de discuter avec le plus jeune. Sa mère serait déjà en train de le disputer comme un enfant si elle savait.
Il n’avait aucun doute sur le fait qu’Alyosha cherchait à s’amuser et visiblement il s’en sortait bien à en juger par ces cernes. Si au début, Roman avait imaginé que c’était seulement du à son travail, il en doutait un peu à présent. Mais bon, ça ne le regardait absolument pas.

La conversation se poursuivit et Roman se mit à le taquiner, cherchant à savoir si son invité était nerveux. C’était peut-être vantard que d’imaginer être l’origine  de son trouble. Peu importe, il ne se laissa pas démonter et sortit une cigarette qu’il alluma. Voilà une vilaine habitude qui ne surprenait pas Roman, il se doutait que son invité serait accro. Il le regarda exhaler la fumée sans avoir la politesse de demander si ça dérangeait, là encore rien de surprenant. Alyosha semblait avoir pour deuxième prénom Provocation. Ce qui fit le plus tiquer Roman fut qu’il laissa tomber sa cigarette dans son thé pour l’éteindre. Quel gâchis.   «  Votre frère vous dirait aussi que c’est du gâchis de thé. La prochaine foi, je vous sers de l’eau de pluie dans un cendrier. » tiqua-t-il. Il l’observait s’habiller, il lui demandait de venir à un nouveau rendez-vous médical d’ici 3 jours. Si il manquait son engagement c’est Ervin qui serait missionné pour les soins.   «  Un deuxième rendez-vous avec vous ? J’ai du vous impressionner pour avoir cette chance. » Si l’un pouvait jouer au con, l’autre le pouvait également. Roman ne bougea pas en le voyant contourner le bureau, cherchant à deviner ce qu’il allait faire. Une belle gueule. C’était désormais certain qu’il lui plaisait mais il n’allait pas l’admettre. Ouch. Il ne s’attendait pas à une pichenette en plein dans sa blessure. Alyosha Farkas était définitivement sadique et il devait en avoir pour son plaisir en soignant ses patients. Roman serra les dents mais lui offrit un sourire. Alors que son invité allait quitter la pièce, Roman actionna sa baguette.   « Accio livre  » Le sac d’Alyosha s’ouvrit et un livre s’en envola jusqu’à la main tendue de Roman. Il l’avait aperçu un peu plus tôt, curieux de savoir ce qu’il pouvait bien lire. Plantes & poisons : secrets et pouvoirs des plantes magiques toxiques. Oh comme c’est intéressant. Il avait déjà lu ce livre mais surtout il faisait partie de la collection de la BMN.   « Voilà donc un choix de lecture intéressant » commenta-t-il en le feuilletant   « Du moins pour un sorcier lambda, nul doute que vous maîtrisez déjà le sujet vu votre métier. » Roman avait le sentiment que derrière cette belle gueule pouvait se cacher un être redoutable qui pourrait faire passer un empoisonnement pour une indigestion. Et Roman se demandait si il serait sa prochaine victime après lui avoir ouvert le sac de force.   « Si vous souhaitez emprunter des livres, je serais ravi de vous aiguiller dans vos recherches, peu importe le sujet.  » Roman farfouilla dans ses tiroirs pour y trouver deux papier.s Il griffonna sur l’un quelques mots et signa en bas avant de le glisser dans le livre et laissa le deuxième au dessus du livre.   « Avec ce formulaire d’’inscription, vous pourrez à l’avenir emprunter n’importe quel livre. De façon légale. » Il se leva pour lui apporter le livre et les papiers. Roman s’arrêta à quelques centimètres de lui, appréciant de nouveau leur légère différence de taille. Alyosha n’avait pas l’air très content alors qu’il lui tendait le livre   « Et à l’intérieur, vous y trouverez une autorisation spéciale pour emprunter ce livre sans être inscrit. Histoire que vous ne risquiez pas d’ennui avec mes collègues. Il serait dommage d’envisager une sanction n’est-ce pas ?  » Roman jouait avec le jeu et il adorait ça. Et quelque chose lui disait qu’Alyosha n’était pas contre non plus.

« J’ai déjà avalé pire que ça » Répliqua t-il rapidement, sans vraiment réfléchir car il n’en avait plus vraiment l’envie. Alyosha avait toujours eu ce flegme à toute épreuve, peu influencer par les évenements extérieurs, préférant paraître inaccessible et intouchable pour retenir tout ce qui bouillonait bien trop profondément.
C’était le propre des Farkas, d’avoir une image sociale et même si celle d’Alyosha n’était pas la plus attrayante du monde, elle lui permettait d’être un minimum socialement intégré. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il aurait jeté son travail depuis longtemps et ne vivrait que de danse, de transe et de pulsions primitives. Il serait sans doute mort depuis longtemps au passage. Rien n’était pire que de se réveiller le matin avec le souvenir d’une enfance traumatisante, vicieuse, qui vous tordait les entrailles au point d’en gerber à peine les yeux ouverts.
Alors il fallait oublier et s' il n’avait pas assez de couille pour en finir, il ruinait sa vie et tentait maladroitement de racheter certains de ses actes en faisant un job pour lequel il était doué (si on mettait de côté la notion sociale). Ervin faisait pareil, la fête en moins, l’alcool remplaçait la drogue et il avait décidé de mettre le rachat de sa moralité sur la survie des créatures fantastiques. C’était une noble cause à ses yeux, pas vraiment pour Alyosha, mais Ervin était son frère, il avait enduré bien pire que lui, alors il acceptait cette lubie qui lui avait fait rencontrer Roman.

Le hongrois se leva, jetant un œil au bibliothécaire avant de déserter sans un au revoir, voyant encore flotter sur sa rétine le charmant sourire qu’il lui avait balancé suite à la douleur provoquée par son geste.
Alors qu’il franchissait la porte, son sac s’ouvrit et le livre qu’il avait pris dans les rayonnages s’envola jusqu’à la main de Roman qui l’inspecta avec un œil curieux et expert. Se retournant, il ne pu empêcher son visage de se crisper légèrement, le fusillant de ses yeux aciers.

Les épaules voûtées, il s’apprêta à continuer sa route, préférant ne pas relever, avant de cracher : « Je révise les basiques… »

En vérité, ce livre évoquait chez lui quelque chose, un souvenir lointain qu’il ne parvenait pas à se remémorer précisément. C’était plus une impression, une sensation de déjà-vu qui lui rappelait un pan de son existence chez les Farkas. Alors il s’était dit que si il le lisait peut être que quelque chose lui reviendrait, peut être qu’en revoyant les bases il découvrirait un moyen de soigner l’empoisonnement de sa mère. Le remède au poison courant restait inefficace et il ne fallait pas être sorti de Beauxbâtons pour savoir que le mal qui rongeait sa mère avait été créé pour elle, uniquement pour elle.

Il aurait aimé s’aventurer dans la réserve de la BNM, y passer des heures entières jusqu’à s’y sentir engloutit, jusqu’à en perdre tous ses repères pour parcourir tout ce qui pouvait être lu et apprit sur ce sujet qui le passionnait plus que de raison.
Sans un mot, il attendit, le voyant écrire et revenir vers lui, lui faisant lever la tête alors qu’il reprenait le livre. Ses doigts frôlant volontairement les siens. Un léger sourire hypocrite sur le visage, il souffla : « Qui vous dis que ce n’est pas ce que je cherche ? »

Roman lui semblait bien trop propre et lisse pour s’aventurer dans ce genre de petite aventure qui plaisait à Alyosha. Le justicier dragon semblait trop parfait et cela l’agaçait un peu. Il avait envie de le secouer, de lui foutre son poing dans la tronche pour voir une trace rouge marquer sa pommette, pour salir un peu cette image superficiellement idéale. Roman avait tout du gentil gendre, du mari admirable, de l’employé exemplaire et cela créait en Alyosha un tumulte sadique indéfinissable. Le hongrois s’était déjà suffisamment fait taper dessus pour savoir ce que cela faisait, l’idée même d’infligé ce genre de supplice l’éxécrait mais pourtant, une folle envie de faire perdre le contrôle à cet homme le démangeait fortement.
Faisant basculer son sac devant lui, il le rangea et fouilla dedans pour en sortir une carte de visite. Balançant son sac sur son dos, il monta la carte jusqu’à sa bouche, la léchant ouvertement pour ensuite venir la coller sur le front du bibliothécaire.

« Si vous avez envie de vous amuser un peu. »

Sur la carte s’étalait le portrait d’un fléreur bleu souriant, ainsi qu’une adresse floutée, sans nom. C’était un bar incartable dont l’adresse changeait régulièrement. Les habitués l’avait surnommé le Cheshire à cause du chat souriant mais personne ne savait vraiment qui gérait cet endroit. Toujours est-il que pour le trouver il fallait être invité et posséder la carte qu’Alyosha venait de plaquer sur Roman.

« Avec votre bon sens, vous devriez trouver rapidement. Ce sera peut-être un troisième rencard. »

Se mordant la lèvre inférieure, il eut un léger rire, puis rendit le formulaire l’inscription : « Je suis inscrit depuis Poudlard, Serdaigle oblige, mais grâce à vous, le Ministère ne saurait pas ce que je lis. »

Dans un dernier clin d'œil, il remit sa capuche sur sa tête, attrapa le Boursouf qui l’avait gentiment attendu et le posa sur son épaule avec une étrange douceur avant de s’enfoncer dans les rayonnages et de disparaître.