⊰ printemps 2023

Ivanna Farkas était tombée malade. C’était plus qu’un simple rhume, plus qu’un peu de ce que la pimentine pouvait soigner et rien que les herbes du clan Moon ne pouvait soulager. Alyosha était assit sur la bordure du lit où se tenait sa mère. Sa main tenait son poignet et malgré la mine fatiguée du jeune homme, il était concentré. Il avait fait le déplacement depuis Londres pour ne pas que sa mère quitte Brocéliande et reste à l’abri dans le domaine Moon. C’était son beau-père vampire, Yarek Ypsilantis,  qui avait transmis le message et l’autorisation exceptionnelle de  [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] quant à sa venue sur les terres sacrées des filles de la Lune.

Sa ré-intégration à St Mangouste après sa détention au Ministère était difficile. Les rumeurs allaient bon train et si il avait été innocenté par l'intervention inopiné de Christian Staghart, le peu de confiance qu’on lui accordait à l’époque avait disparu. Alyosha était surveillé, chuchoté et si cela lui passait au-dessus, il n’allait pas cacher que cela lui pesait aussi. Il pouvait se montrer aussi hermétique qu’il le prétendait, certaines choses finissaient inlassablement par l’atteindre. Alors il faisait comme si tout allait bien, mais la cruelle absence d’ [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] dans les couloirs de St Mangouste lui minait le moral. Il restait cloîtré dans une des salles de potions et n’avait plus affaire aux patients, on lui avait retiré ce droit.
Alors il prit son escapade vers la France pour une porte de sortie. Il allait changer d’air et revoir sa mère lui mettait du baume à l’âme.

Comptant dans sa tête les battements de cœur, il inspecta les rougeurs et la couleur anormale des veines qui s’étendaient dans le cou de sa mère et finit par remettre le cataplasme herbeux que les Moon avait concocté. Cela ressemblait à un empoisonnement et l’idée ne lui plaisait pas. Zénobia l’avait informé que cela faisait un moment que sa mère souffrait, sans que cela soit insurmontable mais son cas s’était aggravé dernièrement. Si les Moon pensait qu’il s’agissait d’une maladie de peau, pour Alyosha le problème venait de l’intérieur et donc de quelque chose qu’elle semblait ingérer régulièrement. L’était était assez grave, mais il n’y avait rien d’urgent.

Alyosha se leva, posant un baiser sur la tête de sa mère qui somnolait, repoussant ses cheveux blonds avant de quitter le lit. La pièce était rustique, comme tout ce qui avait attrait à l’architecture des Moon. Tout n’était que charpente épaisse et pierre robuste. Pourtant, quand on inspectait certains détails on pouvait remarquer des charpentes plus délicates et courbes, des gravures fleuries et peintes dans le bois, donnant un côté plus raffiné à ce qui ressemblaient à de vieux châteaux forts français.

S’accroupissant devant la cheminée où Alyosha avait accroché un chaudron, il fouilla dans son sac à dos en cuir et en sortit quelques ingrédients qu’il avait ramenés. Il s’était attendu à devoir combattre un rhume et il se retrouvait face à ce qui lui semblait être un empoisonnement. Il lui manquait donc des ingrédients. Un antidotes contre les poisons courants ne seraient certainement pas assez puissant. Peut être que rajouté de l’asphodèle et de l’aconit permettrait d’augmenter l’intensité de la potion. Ou alors il fallait créer un autre poison pour contrer le premier. Alyosha réfléchissait tout en finissant de se relever. Dans tous les cas, il lui faudrait voir ce que les Moon avait en réserve. Le souci était comme d’ordinaire qu’il était un homme et que rien ne lui serait autorisé.

Après avoir calmé l’état de sa mère avec une potion wiggenweld et de sommeil, il descendit les marches en bas de l’immense bâtisse qui constituait le domaine des invités à Brocéliande. Les quelques femmes qu’il croisa le dévisagèrent et il finit par enfin mettre un pied dehors. La forêt lui explosa aux yeux, éclatante et presque vivante. Le temps maussade de février rendait l’air un peu humide mais le froid semblait s'éloigner petit à petit.

Battant le pavé, il finit par s’asseoir sur un banc, la mine effroyable, ses cheveux roux pendant sur son visage amaigri et il s’alluma une cigarette avec désinvolture. Il en avait besoin, terriblement besoin. Ses mains tremblaient légèrement, étaient écorchées et sous ses yeux pendaient des kilomètres de cernes. Alyosha n’était plus qu’une espèce d’ombre et dans son pull et pantalon trop large et élimé, il donnait presque peine à voir.
Il devait attendre que Zénobia revienne et il ne pouvait pas aller la chercher car il n’avait pas le droit de quitter l’espace limité du domaine. Alors il n’y avait plus qu’à prendre son mal en patience.

Le mois de janvier avait été une douce parenthèse éphémère pour Zélie. Les semaines avaient défilé à une vitesse folle et l’avaient conduite aux vacances de février. De ce fait, elle était déjà de retour en France au domaine des Moon et elle n’en tirait aucune espèce de joie. Elle aurait nettement préféré voir de nouveaux horizons ou même rester auprès de son jumeau, parce que même si leur retrouvaille s’était bien passée, leur lien restait fragile. Mais, elle était là, à se demander comment elle allait occuper ses journées pour les jours à venir.

Le domaine, elle le connaissait par cœur. Elle avait eu le temps de le redécouvrir dans son intégralité lors de sa convalescence, donc les moindres recoins n'avaient aucun secret pour elle. Cependant, plutôt que de rester enfermée, elle avait décidé de profiter de l'extérieur, même si le temps était maussade. Et si elle maugréait sur son retour ici, elle y trouvait tout de même un avantage puisqu’elle pouvait passer du temps avec Chlaës, son hibou moyen-duc. Depuis sa transformation, celui-ci avait montré une certaine appréhension envers elle, et même si elle ne l’admettait pas, ce changement de comportement la rendait triste plus qu’elle ne l’aurait pensé. Les autres abrutis de Poudlard pouvaient bien dire ou faire ce qu’ils voulaient à propos de son statut de louve, cela ne l’atteignait pas autant que lorsque cela concernait son animal de compagnie.

La jeune femme s'était donc lancé l'objectif de renouer un lien de confiance avec lui, afin qu’ils puissent réapprendre à s’apprivoiser mutuellement. Donc, elle s’habilla en conséquence avant d’attraper la cage de son animal de compagnie et de s’échapper des murs de la résidence principale. Elle traversa le domaine d’un pas déterminé jusqu’à atteindre la résidence des invités. Instinctivement, son œil se posa sur une masse sombre semblant végéter sur un banc au loin. Intriguée, elle fronça les sourcils et examina succinctement la silhouette informe. Doutant que sa mère soit assez altruiste pour faire l’aumône à un sans-abri, même si c’était à cela que ça ressemblait, elle s’imagina qu’il devait sans doute s’agir d’un invité. Reniflant de façon dédaigneuse, elle s’évertua à l’ignorer et ouvrit la cage de l’animal afin de le libérer. Celui-ci ne se fit pas prier pour s’échapper de sa prison et déployer ses ailes. Mais alors qu’elle l’observait s’envoler, ses yeux s’accrochèrent à nouveau à l’homme, comme attirés par la lueur incandescente que produisait sa cigarette, contrastant avec les nuances ternes des alentours. C’était quoi son problème à celui-ci ? Toute source de chaleur était à proscrire à proximité d’une forêt. Alors oui, ils étaient loin de la sécheresse de la saison estivale mais ça n’en restait pas moins dangereux.

Décidée à en découdre, et aussi parce qu’elle s’ennuyait un peu, Zélie s’avança vers le banc où l’épave était assise. Elle posa un pied sur le siège et pencha légèrement son corps en avant. Elle attrapa la clope qu’il avait au bec et tira une longue bouffée avant de l’écraser au sol. Cependant, peu habituée à fumer, elle toussa après avoir inhalé la fumée. Ses poumons semblaient lutter pour s’adapter à la sensation irritante causée par celle-ci, la confortant dans l’idée que c’était vraiment quelque chose de nuisible. « Ma mère tolère ta présence ici, n'abuse pas de sa bonté », dit-elle d'un ton sec, accompagné d'un regard noir qui laissait sous-entendre qu'elle n'était pas forcément d'accord avec l'autorisation que [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] avait accordée. Après tout, sous ses airs de clodo, elle venait de reconnaître le fils Farkas et détestait l’idée qu’il avait le droit de fouler leurs terres sous prétexte que sa mère était malade, alors qu’Elliot, lui, n’était pas le bienvenue ici. « Quand je te vois, je me demande qui de la mère ou du fils est le plus malade… » Finit-elle par déclarer, appuyant sur le fait qu’il faisait franchement peur à voir. Puis, elle se rappela qu’il était parfois bien de montrer un soupçon d’empathie à son prochain. « Enfin, j’imagine que je ne peux pas imaginer ce que tu traverses en ce moment... » Effectivement, à sa place, elle ferait certainement la danse de la victoire en voyant Zénobia dépérir de la même façon qu’Ivanna mais elle ne pouvait pas le dire. Et, honnêtement, elle avait beau convoiter sa place d’Alpha, au fond, elle ne souhaitait pas voir sa mère souffrir ou en venir à de telles extrémités. « De quoi elle souffre exactement ? » Pas que ça l'intéressait vraiment mais c'était histoire de faire un brin de causette, il semblait avoir besoin de parler ce petit.

L’arrivée impromptue de Zélie fit lever un sourcil à Alyosha. Bien sûr qu’il connaissait la rejetonne préférée de la louve en chef. Le clan Moon bien que secret n’était pas inconnu des Farkas et encore moins d’Alyosha. Aprés tout, elles avaient accueillit sa mère et Ivanna et Zénobia étaient de grandes amies malgrés les dissensions qui existaient entre Vivien et Zénobia.
Il était tout de même difficile de mettre un lien de filiation entre la mère louve et sa plus jeune fille tant elle se ressemblait si peu. Au moins, pour le hongrois, avec sa propre mère, il n’y avait aucun doute. La physionomie de leur visage était caractéristiques. Ce côté osseux et la ligne de leur mâchoire ne pouvait que les trahir tous les deux.

Fixant la louve, la voyant s’étouffe, Alyosha eut un petit ricanement moqueur et s’enfonça plus confortablement dans le banc en bois.

« Ta mère fait appel à moi parce que vous n’avez pas réussi à la guérir et que si elle meurt en territoire Moon, tout le monde sait que Vivien utilisera ce prétexte pour vous anéantir. Alors si tu veux, je peux dégager et laisser la troisième grande guerre magique se déclarer. »

Acerbe, il planta ses pupilles bleues dans celle de la jeune fille et sortit une nouvelle cigarette qu’il mit à sa bouche mais qu’il n’alluma pas. Il haussa les épaules pour le reste, trop fatigué pour chercher une excuse, ou pour répondre à Zélie.

« Tu sais en taule, t’es pas hyper bien nourrit. » Rajouta t-il pourtant pour faire un peu peur à la jeune Moon, se tournant vers elle et grimaçant légèrement. Il avait de toute façon l’allure d’une épave en fin de course, il ne se voilait pas la face..

L’état de sa mère l’inquiétait pourtant vivement. Il préférait ne pas dire à Zélie la vérité car il ne voulait pas que cela s’ébruite. Zénobia devait en être informé, en tout premier lieu et de toute urgence.

« Secret d’état tête de pioche, j’dirais rien tant que ta mère sera pas là. » Se penchant vers elle, il lui fit un léger clin d'œil avant de reprendre sa pose nonchalante et de rejeter sa tête en arrière, inspirant l’air trop pur et boisé de Brocéliande : « Tu voudrais pas aller la chercher ? Ca me ferait gagner un temps précieux… »

Fixant le ciel bleuté dans la clairière qui servait pour les invités, il poussa un long soupir, passant sa main dans ses cheveux roux, avant de demander : « Je t’ai pas vu au bal louveteau, t’étais où ? »

Alors que son pied était encore en train d'écraser le morceau de cigarette incandescent sur le sol, Zélie fixa intensément l'homme face à elle, se demandant si elle ne devait pas lui infliger le même sort. Elle voulait lui faire passer l’envie de sourire. C’était qu’il paraissait un peu trop à l’aise pour quelqu’un dont la présence était tout juste tolérée sur ces terres. Alors peut-être que sa mère le considérait comme un invité ici, mais ce n’était pas le cas pour la jeune femme qui le définissait plus comme un intrus, voire même un nuisible, qu’on devait vite chasser. Elle n’avait d’ailleurs jamais vraiment compris ce que le clan Moon avait à y gagner en accueillant une Farkas, à part peut-être un peu plus d’emmerdements mais fallait croire que Zénobia faisait dans le sentimental, mettant son clan en danger pour quelqu’un qu’elle considérait comme une amie. Vraiment ? Ça l’étonnait toujours de savoir qu’elle pouvait et savait entretenir une relation positive et sincère avec une personne étrangère au clan.

Zélie tiqua en entendant la raison de sa présence sur le domaine. Si elles n’arrivaient pas à soigner sa mère, c’était probablement parce qu’elle n’était pas censée guérir. Cependant, s’il voulait croire qu’il réussirait là où elles avaient échoué, libre à lui de le faire. « La troisième grande guerre magique ? » répéta-t-elle avant d’afficher un sourire sarcastique car elle n’aimait pas trop l’emploi du verbe anéantir. Son clan ne se laisserait pas anéantir, et suggérer le contraire relevait presque de l’insulte. « Si ça ne tient qu’à ma volonté… je suis bien tenté de répondre par la positive et t’indiquer le chemin vers la sortie mais je doute que le sort de ta mère t’importe si peu vu comment t’as accouru pour venir à son chevet sans même daigner te montrer un minimum présentable.  » dit-elle en le regardant sortir une nouvelle clope, comprenant qu’il testait sa patience. Mais lorsqu’il reprit la parole, elle riposta au tac au tac : « C’est censé m’impressionner, me faire peur ou tu cherches seulement à te faire plaindre ? »

La jeune louve eut un mouvement de recul lorsqu’il s’approcha d’elle et lui adressa un clin d’oeil. Si elle pensait réagir de façon puérile face à lui, elle fut soulagé de voir qu’il était sur la même longueur d’onde en parlant de secret d’état. Un sourire naquit sur son visage et s’étira un peu plus en entendant sa demande. « Et moi j’ai du temps à perdre. » s’approchant à son tour, elle plaça sa main devant sa bouche et chuchota comme pour lui avouer un secret. « Zénobia n’est pas là. En son absence, c’est moi qui prend la relève. » Elle avait fait l’effort de ne pas lui donner un surnom débile comme tronche de cake ou autre afin de paraître mature mais ce n’était pas l’envie qui lui manquait.

Son attention se posa un instant sur son animal de compagnie qui tournoyait dans le ciel avant de revenir sur l’intrus. Elle fronça les sourcils. « Et toi, qu’est ce que tu foutais là-bas, Cendrillon ? » Elle ne comprenait pas trop ce que le bal venait foutre ici et pourquoi il se montrait curieux à ce sujet mais le nouveau surnom donné, l’agaça. Son pied vint pousser le genou du Farkas, de façon plus brutale qu’elle ne l’aurait pensé. « Allez, lève ton cul. T'es pas en classe verte ici, je vais faire mon rôle d'hôte.  »

Alyosha avait toujours vécu entouré de femmes au tempérament flamboyant. On pouvait dire ce qu’on voulait sur Vivien Farkas mais elle savait mener ses troupes comme personne et sa poigne de fer faisait d’elle une femme aussi puissante que terrifiante.
Alors les Moon étaient une continuité de ce qu’il connaissait. Sa meilleure amie était même une Moon, non pas l’aîné de Zénobia mais bien sa cadette. Ils avaient usé les bancs de Poudlard avant d'emménager ensemble pour le pire et le cauchemar.

Alors oui, Alyosha connaissait Zélie, il connaissait les traditions des filles de la lune, leur coutume et leur impétuosité. Ce n’était donc pas le dernier petit louveteau de la meute qui allait l’effrayer, même s' il devait avouer aimer sa répartie cinglante.

Observant sa tenue, Alyosha prit une moue légèrement désolé : « C’était les seuls propres qu’il me restait. Je pensais pas qu’il fallait venir saper comme à un défilé de Vogue Sorcière. » Relevant les yeux, il lança aussi rapidement qu’elle : « Peut-être les deux qui sait…. »

Amusé par le fait de l’avoir surprise, il mordilla sa cigarette éteinte et posa son bras sur le rebord du banc avant d’y poser sa tête. Zénobia était absente, vraiment ? Fixant Zélie d’un regard un peu sceptique : « Ta mère est au courant que tu te considères comme sa bêta ou son oméga ? »

Tapant là où il savait que cela ferait mal, il poussa un long soupir, ses yeux se perdant dans la forêt qui dansait dans le vent : « J’étais là pour le buffet à volonté. »
Relevant ses yeux vert vers la jeune fille, il fut brutalement repoussé du banc, surprit il se mordit la langue et grimaça sous la douleur : « Hey sois pas comme ta mère ! »

Agacé, il se redressa, sa carcasse maigre se déployant légèrement et mollement il rabattit sa capuche sur ses cheveux roux avant de fourrer ses mains dans les poches de sa veste comme si tout cela ne l’atteignait pas.
L’anxiété pour sa mère le faisait agir de façon bien trop désinvolte. Ou alors peut-être était-ce le sentiment de savoir qu’il était dans une sécurité relative en territoire Moon.

« J’te suis louveauteau mais essaie pas de me perdre et abrège la visite, j’suis pas un diplomate du Ministère en visite de courtoisie. »

Lui emboîtant le pas, Alyosha se mit à effriter sa cigarette, gardant le tabac dans sa main et écoutant vaguement ce que Zélie lui racontait tout en entreprenant de se rouler un joint tout en marchant.

Alyosha était peut-être dénué de charisme, mais il avait au moins le sens de l’humour. Et en l’imaginant dans une tenue guindée digne d’un défilé de vogue sorcière, Zélie eut bien du mal à contenir un sourire. Non, elle devait garder son sérieux et c’est ce qu’elle fit lorsqu’il évoqua son passage en taule. S’il y avait fait un séjour, c’était qu’il l’avait mérité ou alors qu’il avait été assez stupide pour se faire prendre donc pas à plaindre, seulement à railler.

Plus par reflex que par surprise, la jeune louve s’éloigna lorsqu’il s’approcha pour lui décocher un clin d’œil. Bien qu’un peu blasé d’entendre qu’il ne parlerait qu’en présence de sa mère, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Sa mère n’était pas là donc il devrait attendre un moment avant de pouvoir délier sa langue, sauf si elle décidait de lui tendre une perche pour l’aider à se confier. C’était qu’elle était curieuse Zélie, puis il lui avait parlé de la troisième grande guerre magique si sa mère venait à nourrir les asticots de Brocéliande donc, elle estimait qu’il était dans ses devoirs d’éviter une telle tragédie. Se laissant fixer, elle plissa des yeux et sa bouche se tordit l’espace d’une seconde en une moue légèrement vexée. Elle ? Une bêta ou pire, oméga ? Elle fit claquer sa langue par dédain «  Tu fais erreur. C’est la place d’Alpha que j’occupe quand môman n’est pas là. »

Elle piétinait l’autorité de sa mère ? Peut-être, mais elle avait été élevé pour être la meilleure donc pourquoi se contenter de la place de seconde quand celle de première lui revenait de droit ? De toute façon, il n’était personne et même s’il décidait d’en parler à sa mère dès son retour, il y avait peu de chance qu’elle y accorde plus de crédit que cela. Et, clairement, il passerait pour un vil délateur à ses yeux. Ne s’attardant pas trop sur la réponse qu’il lui avait accordé quant à la raison de sa présence à un bal pour ado, elle l’invita à bouger en oubliant de mesurer sa force. Zélie le fusilla du regard lorsqu’il la compara. Rah ! Qu’est-ce qu’il pouvait lui taper sur le système avec ses remarques ! « Et toi, tu vas finir comme la tienne si tu continus  » C’était sans doute pas la meilleure des choses à dire mais il l’avait mérité.

« Pourquoi je te perdrais ? Tu n’as qu’à t’accrocher à moi, comme le boulet que tu es. » lança-t-elle en lui jetant un coup d’œil avant de regarder sa propre jambe, elle sourit en s’imaginant la scène. « Je ne suis pas non plus guide touristique ou agent immobilier donc ça tombe bien. Maintenant qu’on s’est dit ce qu’on était pas tous les deux, ça serait bien que t’arrêtes de faire l’enfant et que tu me dises de quoi tu as besoin.  » parce que je ne suis pas devin… pensa-t-elle, évitant de le prononcer à voix haute parce que ça la placerait au même niveau que lui.

Malgré sa petite silhouette, Zélie parcourut le terrain des invités rapidement et s'engouffra un peu plus dans le domaine principal. Arrivant face à une grande porte de bois, elle se tourna vers Alyosha et croisa les bras « Prends pas trop la grosse tête, ça me tue de flatter l'égo d'un Farkas mais t'es sur le point de faire parti des rares ...   » le détaillant de haut en bas, haussant finalement des épaules  « ... hommes à entrer ici. Donc, profite, je ne resterai pas généreuse aussi longtemps. » Zélie s'approcha de lui, plantant son regard dans le sien, elle tapa sur ses mains pour lui faire tomber ce qu'il préparait depuis un moment dans son dos.  « Pas de ça ici, j'ai dit.  » puis, sa main s’approcha de son visage et après une brève hésitation, elle tapota l’arête de sa mâchoire. Adoptant un ton infantilisant :  « Il va se tenir à carreau et toucher avec les yeux, d'accord ?  »

Jetant un coup d’oeil à la louve, Alyosha la fixa, des pieds à la tête. Elle, remplacante de  [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ? Il allait falloir gagner quelques niveaux en charisme pour penser arriver à la cheville de sa mère. La louve Alpha dégageait quelque chose de magnétique, puissant, impalpable, presque terrifiant. Zélie était pour le moment….une motte de poussière roulant dans le sillage de sa mère. Pourtant, il existait chez la gamine une volontée qui lui faisait terriblement penser à sa mère. Les loups ne faisaient pas des chats.

Une grimace ourla son visage quand elle insinua qu’il finirait comme sa mère, sans doute empoisonnée et agonisante. « Arrg ! Touché ! » Avoua t-il comme si sa pique l’atteignait en plein cœur alors qu’il émettait un léger rire un tantinet agaçant. Il faudrait plus que ça pour le blesser. Son enfance avait été bercé d’insultes en tout genre, bien plus créative que celle-ci, alors Zélie allait devoir mettre les bouchées doubles si elle escomptait entailler sa moindre fierté.

La répartie de Zélie l’amusait,  il lui emboîta le pas, la suivant de sa démarche maussade et nonchalante. « Je te quitte pas des yeux princesse… » grinca t-il, déambulant à travers le domaine des invités qui se résumait à quelques bâtisses rustiques à l’orée du domaine des Moon.

« De l’asphodèle je dirais. » Dit-il en haussant les épaules. « Je verrais surtout en fonction de ce que vous avez. Tu sais comment sont les artistes, ils créent à partir de ce qu’ils ont sous les yeux. »

Se roulant un joint qu’il avait l’intention de fumer plus tard, il leva les yeux vers la grande porte en bois, gardienne du domaine des Moon et il sentit un frisson lui parcourir l’échine. « Hey ! » Gronda t-il quand elle répandit d’un geste brusque ce qu’il était en train de faire et il poussa un soupir.

« Ouai ouai c’est bon j’ai compris. J’ai de la chance, super, je vais marcher dans une forêt. » Alyosha prenait cela à légère mais il se rendait bien compte de l’honneur qu’on lui faisait et du risque qu’il prenait aussi. Si Zénobia finissait par découvrir que sa propre fille avait laissé un homme, un Farkas pénétrer en ces lieux, il ne donnait déjà pas cher de sa peau mais encore moins de celle de Zélie.

La claque sur son visage lui tira un long soupir. Alyosha n’avait pas beaucoup d’égo, alors il ne releva pas vraiment, se contentant de railler : « Si tu veux me toucher tu peux me demander tu sais, pas besoin de jouer à la louve. J’suis pas trop porté sur les femmes mais bon, je pourrais faire un effort pour toi. »

Ses yeux s’illuminèrent un tantinet derrière la fatigue qui marquait son visage et il finit par soupirer : « Bon vas y, j’te suis et promis, j’touche pas la moindre fougère. »

Enfonçant ses mains dans ses poches, il jeta un coup d'œil derrière lui, puis reportant son attention sur la porte, attendant qu’elle s’ouvre et qu’il découvre enfin, ce que les Moon avait à cacher.

Peut-être était-elle allé trop loin en lui disant qu’il finirait comme sa mère ? Malgré ses ressentiments, elle ne lui souhaitait pas de tomber malade au point d’en être mourant. Sous l’impulsion, Zélie avait parfois du mal à tenir sa langue et ne réfléchissait pas avant de parler, ce qui pouvait parfois la desservir. Se pinçant les lèvres, son visage arbora une expression presque honteuse l’espace d’un instant, mais ses yeux roulèrent dans leur orbite en l’entendant rire de façon irritante. Si elle avait pensé l’avoir blessé avec ses propos, il n’en était visiblement rien. Les Farkas avaient la peau dur, il devait être habitué de s’en prendre plein la tête. La jeune femme se sentit vraiment bête de s’être laissé attendrir ne serait-ce qu’une minute. Soupirant bruyamment, elle tourna les talons et ouvra le chemin.

Elle en profita pour lui demander ce dont il avait besoin et la réponse ne l’avança pas plus que ça dans la construction de son puzzle mental. De l’asphodèle ? Elle ne voyait pas vraiment quels maux il comptait soigner avec cette plante. Elle ne connaissait son utilisation que dans la conception d’un philtre de mort vivante, mais elle doutait que ce soit dans ses projets. Mais alors qu’elle réfléchissait silencieusement, son cerveau tiqua sur un mot. Bin voyons, voilà que monsieur se définissait comme un artiste… Le seul artiste qu’elle connaissait était son frère, lui était talentueux et avait bien plus de classe que ce type brouillon, cette œuvre inachevée. « Ouais bin j’ai pas trop hâte de voir le résultat. Il y a de véritables artistes et ceux qui pensent l'être alors qu'ils font pas mieux que des mioches de trois ans. Tu dois faire partie de la deuxième tranche. » dit-elle en jetant un bref regard par dessus son épaule.

Arrivant devant la porte en bois, elle recadra une nouvelle fois l’indésirable. Zélie prenait des initiatives qui pouvaient lui porter préjudice si ça se passait mal donc même si elle se montrait bourré de confiance en elle, ça ne l’empêchait pas de ressentir un peu d’appréhension. De plus, il semblait sous-estimer les lieux alors qu’il devrait être émerveillé et ce comportement, fit dépasser son agacement de sa jauge personnelle. « Pouah non merci » dit-elle d'un air franchement dégoûté en mimant vomir. Elle se détourna rapidement, sourcils froncés et les joues légèrement rosies malgré tout, puis poussa la porte avec plus d'énergie qu'il n'en fallait. Cette dernière s’ouvrit dans une plainte et dévoila l'immense serre arborétum des Moon. Celle-ci abritait une apothicairerie ainsi qu'un coin herboristerie. Zélie s'y avança fièrement et fit un tour sur elle même, les bras tendus. «  Tadaaa » La jeune louve n’en doutait pas, il trouverait forcément ce dont il avait besoin. Le lieu était vaste et plutôt bien alimenté, si bien qu’elle même ne connaissait pas la moitié de ce qu’il contenait.  

Une fois qu'Alyosha avait décidé d'entrer et de faire un pas en avant, Zélie le suivit de près, le collant et se mettant sur la pointe des pieds pour regarder par-dessus son épaule, manquant à plusieurs reprises de se rétamer. « Ce n’est pas que je n’ai pas confiance mais…. Je n’ai absolument pas confiance donc tu m’en voudras pas si je te colle comme une moule à son rocher et pas la peine d’y voir un quelconque intérêt pour ta personne. Faut arrêter de prendre tes désirs pour des réalités comme tout à l’heure ou alors ça voudrait dire que je me suis trompée et t’es bel et bien un artiste. Le genre qui se fait des films parce qu’il a des choses à combler. » Elle pouffa légèrement, le regard sournois. « Allez, maestro ! Montre moi tes talents et compose un bouquet garni pour la soupe de ta mère. Les aromates sont à ta gauche.»